Paris Vox – Le confinement étant de retour, Paris Vox vous offre quelques munitions afin d’occuper utilement celui-ci. Pierre Pillerault, qui nous offre régulièrement des tribunes, ouvre le bal.
Comment nous sommes devenus ce que nous sommes.
En 2019 (2018 en anglais) est sorti le livre « Comment nous sommes devenus ce que nous sommes » de David Reich qui avait fait à l’époque un bruit certain dans le landerneau scientifique. Et pour cause, puisque ce généticien étudiait zone géographique par zone géographique ce que l’étude du génome ancien nous apprenait du peuplement de notre planète. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il remettait en cause nombre de certitudes héritées des études anthropologiques et pas toujours en faveur du politiquement correct…
Le fait le plus important à mon sens, et qu’il explique très bien, est que le peuplement de la planète ne doit pas être vu comme une arborescence de type arbre généalogique mais bien comme un entremêlement avec des croisements, des retours en arrière, des séparations, des flux et des reflux.
L’image d’Homo sapiens sortant du berceau africain pour progressivement peupler le reste de la planète en prend un coup.
Il serait long, fastidieux et vain de résumer le livre en vous synthétisant ce qu’il dit de chaque région étudiée, mais l’on peut esquisser entre autres choses intéressantes, le fait que le peuplement du continent américain n’est probablement pas issu d’une simple migration asiatique passant le détroit de Bering lors de la dernière période glaciaire comme le pense la vulgate mais qu’il y a eu au moins deux vagues qui peuvent être, selon les hypothèses, issu d’un peuplement par la même voix suite à la glaciation précédente, un peuplement côtier précédent de un ou deux millénaires cette vague (cette hypothèse ayant sa préférence), un peuplement venant du continent européen en suivant l’extrémité méridionale de la banquise lors de ce même épisode glaciaire ou même concernant l’Amérique du Sud, un peuplement polynésien (ce qui paraît incroyable mais ne l’est pas tant que ça puisque ils avaient atteint l’île de Pâques pourtant très isolée).
On peut citer également l’étude qui montre que nous avons plus d’affinités génétiques avec les extrêmes-orientaux qu’avec les peuples du Moyen-Orient, l’hypothèse de David Reich étant que nous serions issus d’une population nord sibérienne aujourd’hui disparue et qui aurait donné les actuels européens, les dénisoviens et les asiatiques extrêmes orientaux.
Une autre recherche met en avant que 8% des hommes vivants en Eurasie orientale descendraient de Gengis Khan démontrant l’inégalité des existences humaines en ces temps troublés.
Le dernier exemple (parmi tant d’autres, ce livre fourmillant de démonstrations toutes plus intéressantes les unes que les autres) que je prendrai et que je trouve intéressant est le fait que si sapiens semble (et lui-même insiste sur ce terme…) être sorti du rift, il est certain que des migrations ultérieures ont eu lieu en sens inverse.
Rien que ces divers sujets sont passionnants et mériteraient à eux seuls la lecture de ce livre mais là où ça devient vraiment jubilatoire, c’est lorsqu’il explique les réticences (pour employer un euphémisme) auquel il a dû faire face de la part des tenants d’une thèse unique et immuable.
Il a ainsi été très mal reçu en Inde, ses études démontrant que les populations du Nord et du Sud de ce pays sont issues de lignées différentes mais surtout, vous vous en doutez, dans les milieux bien pensants d’Amérique du Nord.
Est-il besoin de rappeler, entre autres exemples, qu’une universitaire s’était fait mettre dehors d’une université pour avoir affirmé qu’elle était capable de donner l’origine ethnique par étude génomique d’une personne dont elle aurait eu un simple tibia à étudier.
Il a eu affaire à des anthropologues tenants de l’unicité de l’espèce humaine assimilant sa démarche de recherche des différences génétiques entre humains à du racisme (faisant fi au passage des apports thérapeutiques que pourraient avoir des adaptations de traitement aux spécificités génétiques des patients). Le dogmatisme avant la science …
Il explique comment il a dû adapter son discours pour pouvoir être publier et continuer ses recherches. Finalement, alors qu’il passe chapitre après chapitre son temps à dire que l’étude génétique met à mal les hypothèses de race pure (ce qui n’a évidemment aucun sens si l’on remonte au début d’Homo sapiens), son ouvrage met en lumière le fait que ces races existent bel et bien.
Alors, j’arrive certes avec un an de retard et vous serez nombreux, pour ceux que le sujet de la diversité humaine intéresse, à avoir déjà pris connaissance de cet ouvrage mais en ces temps de confinement, pour ceux qui n’auraient pas encore eu l’occasion de se procurer ce livre, voilà une lecture que je qualifierais d’indispensable si vous voulez réfléchir aux différences ethniques et donc génomiques qui composent l’humanité.