Paris Vox – En une de son numéro du 2 juin, le quotidien national-catholique interpellait les lecteurs sur la possibilité de sa prochaine disparition. Qu’arrive-t-il à ce monument de la presse indépendante et du combat national? Pour en savoir plus nous avons interrogé Francis Bergeron, l’un des principaux cadres du journal.
PV : La nouvelle formule du quotidien, présentée il y a quelques mois, avait été unanimement saluée. Malheureusement Présent se trouve aujourd’hui en danger de disparition. Que se passe-t-il ? Que s’est-il passé ?
Francis Bergeron : Les comptes du quotidien sont habituellement tout juste à l’équilibre. Nous ne recevons pratiquement pas de publicités payantes, et en tout cas aucune publicité payante à caractère institutionnel. De même Présent n’est pas acheté par Air France et autres entreprises de même type. Très peu de bibliothèques sont abonnées, etc…. Alors que L’Humanité, par exemple, bénéficie de tout cela. (NDLR : voir notamment ICI)
Aussi quand il arrive un problème, l’équilibre budgétaire du journal est compromis. C’est ce qui arrive en ce moment, avec deux évènements exceptionnels :
– Presstalis, la société de distribution en kiosques (les ex-NMPP, société quasiment monopolistique) est au bord du dépôt de bilan et ponctionne donc davantage – à titre exceptionnel, nous dit-on – ses clients, pour assurer sa propre survie. A ce titre, Presstalis nous réclame environ 50.000 euros. Et pour l’heure le prestataire se paye, en ne nous réglant pas les fruits des ventes en kiosque. Il en sera apparemment ainsi jusqu’à ce que ces 50 000 euros soient apurés, puis Presstalis défalquera automatiquement sa surfacturation exceptionnelle…
– Par ailleurs nous sommes acculés à verser d’importantes indemnités de licenciement à l’un de nos anciens collaborateurs qui a un problème d’inaptitude physique à l’emploi de journaliste tel qu’il l’exerçait jusqu’à présent. Il s’agit de Rémi Fontaine. La convention collective des journalistes est extrêmement généreuse, et Rémi Fontaine appartenait à la rédaction depuis le numéro 0, soit depuis 36 ans. Nous avons préféré le payer chaque mois à ne rien faire, depuis 2014, date de ses problèmes de santé, mais il a exigé des prud’hommes une résiliation judiciaire de son contrat de travail, c’est-à-dire une obligation de le licencier, car il atteint l’âge de la retraite et c’est apparemment plus intéressant pour lui que d’être payé chaque mois. C’est ce qu’il a obtenu. Nous lui avions proposé toutes sortes d’aménagements de son poste de travail, mais cela ne l’intéressait pas. Nous avons certes fait appel de la décision, mais l’appel n’est pas suspensif. La somme à lui payer est énorme : elle représente près de 20% du chiffre d’affaires annuel.
PV : Ces difficultés sont-elles ponctuelles et surmontables où posent-elle la question plus profonde de la viabilité d’un quotidien papier dans le contexte actuel et à l’ère du numérique ?
FB : Ces difficultés sont donc ponctuelles. Il est très difficile de faire vivre un quotidien papier par les temps qui courent, mais si Présent n’avait pas été confronté à ces difficultés exceptionnelles, nous ne serions pas en danger. Car l’informatique a fait baisser les coûts de fabrication. Et Présent bénéficie d’un noyau de lecteurs très fidèles, qui n’ont d’ailleurs pas le choix de se reporter sur un autre quotidien. Nous sommes en effet le seul quotidien catholique, national, identitaire. Présent serait insubmersible s’il n’y avait pas eu ces deux très gros problèmes dont les effets se font sentir à plein en 2018.
PV : Comment peut-on aider le quotidien à sortir de cette crise ?
FB : Il n’y a pas de secret : l’abonnement (papier ou électronique), les dons (défiscalisés via Presse et pluralisme, ou pas). Et, pourquoi pas, la publicité passée dans le journal ? Pratiquement personne ne passe jamais de publicité, peut-être par crainte de représailles gauchistes.
Les numéros Hors-Série de Présent sont aussi une (petite) source d’amélioration des finances du quotidien. Celui sur le cinéma est encore en vente jusqu’au 30 juin.
PV : Pourquoi privilégier l’abonnement à l’achat en kiosque ?
FB : Les deux voies sont bonnes. Il faut aider les kiosquiers en achetant le journal en kiosque. Mais il est certain que c’est l’abonnement -papier ou sur internet, d’ailleurs – qui nous apporte le maximum de trésorerie. Et la meilleure formule, pour nous comme pour nos abonnés, est le prélèvement mensuel. L’abonné peut arrêter son abonnement quand il veut, par simple information de sa banque. Et Présent bénéficie d’une trésorerie répartie sur toute l’année.