Syndicats/SNCF : pourquoi ne pas changer de méthode?

Syndicats/SNCF : pourquoi ne pas changer de méthode?

Paris Vox (Tribune) – Alors que les syndicats SNCF ont annoncé une « grève perlée » s’étalant sur près de trois mois – promesse de chaos itératif dans les transports et d’emmerdement maximal pour la population – afin, disent-ils, de s’opposer à la réforme du statut des cheminots, on peut s’interroger sur le fait de savoir si les dits syndicats ne sont pas devenus, aujourd’hui, les meilleurs  et les plus efficaces alliés de ceux qu’ils prétendent combattre.


En effet, alors que l’opinion publique – intoxiquée par une propagande libérale intensive présentant tout « statut professionnel protégé » comme un abject privilège et un odieux anachronisme à l’heure de la précarité pour tous – semble plutôt favorable à la réforme macroniste, à quoi peut bien mener un « combat syndical » consistant à pénaliser une fois de plus les usagers ? Pourquoi donner à nouveau l’image que le gouvernement veut voir s’imposer : celle d’égoïstes corporatistes défendant leurs prétendus « privilèges » (qui n’ont pourtant rien de délirants) au détriment du travail et du bien-être du reste de la population ?

Cette stratégie, archaïque et simpliste, de la « grève » systématique ne peut évidemment que conduire à une exaspération grandissante de l’opinion publique qui soutiendra d’autant plus les réformes anti-sociales du gouvernement Macron que celle-ci « puniront » les emmerdeurs qui lui pourrissent son quotidien. En exacerbant le ressentiment  des usagers, ces grèves inutiles ne feront que finir de convaincre une large part de la population que les réformes du gouvernement Macron sont des mesures progressistes et égalitaires alors qu’elles sont avant tout ultra-libérales, revenant un à un sur tous les acquis sociaux qui ne sont – il faut le rappeler avec force – que de justes droits conquis de haute lutte face à la rapacité sans borne du Capital et de ses séides.

L’égalité « par le bas », le fait de s’aligner toujours sur le « moins disant » social, n’est un « progrès » que pour les dupes et les imbéciles. Croire que ce que l’on enlève aux uns profitera aux autres, à l’ensemble des travailleurs, est une vue de l’esprit, nourrie par la plus mesquine jalousie, la plus totale absence de vue d’ensemble et de conscience du long terme, qui ne s’est d’ailleurs jamais vérifiée dans les faits… Sans bien sûr nier un besoin certain de réorganisation, de rationalisation et d’optimisation de certaines branches de la fonction publique, penser que c’est la fantasmatique « prime charbon » ou la gratuité des trajets des familles de cheminots qui grève l’économie nationale et étrangle le pays est une tartufferie sans nom, brillamment entretenue par d’habiles crapules qui gagnent en un mois ce qu’un employé sncf « privilégié » gagnera durant toute une vie…

C’est pourquoi on peine à comprendre la stratégie suicidaire des syndicats SNCF, qui auraient pourtant tant à gagner en utilisant de nouvelles méthodes de contestation et de pression sur le gouvernement, telles que la suspension des contrôles ou la gratuité assurée des transports, beaucoup plus “sympathiques” aux yeux de la population, le tout accompagné d’explications pédagogiques sur la réalité des fameux  “avantages”, leur coût concret comparé à d’autres phénomènes économiques (la fraude fiscale, les subventions aux associations les plus improbables, les divers « fromages » des élus, l’accueil des clandestins …etc…), sur la tendance actuelle à toujours tout aligner sur le statut le plus précaire, le plus instable et le moins rémunéré possible… Voilà qui serait sans doute beaucoup plus efficace pour dévoiler l’escroquerie libérale macroniste (remise en cause du droit du travail, encouragement de la précarité, ubérisation de l’économie…) et s’opposer à la stratégie d’atomisation des luttes (« monter » le public contre le privé, opposer les « patrons » aux « salariés »…) que de prendre encore une fois en otage des usagers déjà au bord de la crise de nerfs…

Mais peut-être que les fameux « syndicats » et leurs directions, hiérarques grassement rémunérés d’une contestation fossilisée, ont un autre agenda, d’autres objectifs, servent d’autres intérêts que ceux qu’ils affichent officiellement… Vous avez-dits « idiots utiles » ? Peut-être pas si idiots, mais utiles au système sans aucun doute…

Xavier Eman