Paris Vox- Redécouvrez les grands monuments de Paris, ses rues, ainsi que l’Histoire, petite ou grande, de la capitale.
La Manufacture des Gobelins, un repaire de lutins laborieux ?
La teinturerie de la famille Gobelin.
Le nom de Gobelin ne résulte nullement d’un éventuel passage intempestif de lutins dans ce quartier, mais s’inspire du nom d’un ouvrier en laine réputé, du 15e siècle, nommé Jehan Gobelin, originaire de Reims ou de Flandre. La première mention du nom de Gobelin date du mois d’août 1443, lorsque Jehan prit à loyer une maison de la rue Mouffetard « A l’enseigne du cygne » (d’autres sources évoquent le n°17 de la rue des Gobelins). La maison de Jehan donnait par derrière sur la Bièvre qui, à cette époque, coulait à l’air libre. C’est là qu’il installa son atelier de teinture qui s’étendit à des maisons du voisinage et acquit bientôt une grande réputation pour ses rouges à l’écarlate. A la mort de Jehan, en 1476, et durant un siècle et demi, sa descendance –« les Gobelins », donc : Jehan eut, il faut le dire, 13 enfants- ne cessera d’accroître cette excellente réputation, au point d’éclipser les autres teintureries. Les Gobelin ayant fait le choix d’autres voies professionnelles, d’autres teinturiers en écarlate, les Canaye, leur succédèrent. Ils résidaient encore au même endroit, en 1539.
La Manufacture Royale.
En avril 1601, la tapisserie « façon des Flandres » fait son apparition lorsqu’Henri IV décide de créer la manufacture, dans « une grande maison ou antiennement se faisoit teinture ». Les tapissiers flamands Marc de Comans et François de la Planche s’y établirent. Leurs fils leur succédèrent. L’atelier de teinture fut officiellement organisé par Colbert, en 1665, et, en 1667, il prit officiellement le nom de « Manufacture Royale des meubles et des tapisseries de la Couronne » et accueillit des artisans de tous ordres. Tout ce qui y était fabriqué appartenait au roi et servait à décorer les Maisons Royales. Depuis 1690, la célébrité de la Manufacture des Gobelins, consacrée désormais exclusivement à la tapisserie, n’a cessé de croître. De la manufacture du 17e siècle, il ne reste aujourd’hui que les bâtiments aux grands corps de cheminée qui longe la rue Berbier-des-Mets (ex-ruelle des Gobelins) ; la chapelle (classée) dont le chevet fait saillie sur cette rue ; deux inscriptions en mémoire, pour l’une, de Jean et Philibert Gobelin, pour l’autre, de Marc de Comans et de Francis de la Planche ; et, à l’intérieur, quelques métiers à tisser datant de l’époque de Colbert.
Du 17e siècle à nos jours.
Le 23 mai 1871, lors de la Commune, la Manufacture de la Savonnerie (atelier de tapis), installée en 1826 dans l’enclos des Gobelins, est partiellement incendiée. Elle sera reconstruite en 1914. Rattachée à l’administration du Mobilier national en 1937, la Manufacture Nationale des Gobelins tisse toujours des tapisseries pour décorer des édifices publics en faisant appel à de nombreux artistes, de Paul Cézane à Fernand Léger. A la fin des années 1970, la galerie de la Manufacture fut rénovée afin de retrouver sa mission d’origine d’espace d’expositions. Elle a été rouverte au public, le 12 mai 2007.
Des lutins travailleurs ?
Cela, c’est ce que dit l’Histoire, mais le démonologue Jacques Collin De Plancy, donne une autre version de cette origine du nom des Gobelins. Il pensait, lui, que les Gobelins, cette espèce de farfadets, sont à l’origine du nom de la manufacture : « Plus aimables sont les Gobelins, lutins domestiques qui se retirent dans les endroits les plus cachés des maisons parisiennes… On dit que la manufacture des Gobelins doit son nom à un de ces lutins qui, dans l’origine, venait travailler avec les ouvriers et leur apprendre à faire de beaux tapis. » (p. 354-355). De fait, selon la légende, ce sont les Gobelins qui ont transmis à quelques ouvriers, le secret des riches couleurs des tapisseries qui firent la renommée de l’établissement ! La mise au pluriel du nom de la famille des Gobelin(s) est sans doute à l’origine de cette légende…
Eric TIMMERMANS.
Sources : Connaissance du Vieux Paris – Rive Gauche, J. Hillairet, Editions Princesse, 1951-1953-1954, 124, 135-138 / Guide de Paris mystérieux, Les Guides Noirs, Editions Tchou Princesse, 1978, p. 354-355.