Histoire de Paris : le quai Anatole France

Histoire de Paris : le quai Anatole France

Paris Vox- Redécouvrez les grands monuments de Paris, ses rues,  ainsi que l’Histoire, petite ou grande, de la capitale.


Le Quai Anatole France.

Le quai Anatole France fut construit dans le prolongement du quai Voltaire (ex-quai des Théatins). Plus précisément, ce quai n’est rien d’autre que la partie orientale du quai d’Orsay, délimitée par le pont Royal et le pont de la Concorde. On lui donna le nom d’Anatole France, en 1947. De fait, l’écrivain était un habitué des lieux et, plus généralement, des quais de la Rive gauche. Il avait d’ailleurs habité le n°15 du quai Malaquais et son père avait tenu une librairie au n°9 quai Voltaire. La construction du quai Anatole-France, qui s’étend sur 585 mètres, de la rue du Bac (après le quai Voltaire), et se poursuit par le quai d’Orsay, au départ du boulevard Saint-Germain et au niveau du Palais Bourbon, a été entreprise en 1708 par le prévôt des marchands, Boucher d’Orsay, mais elle ne fut achevée que sous le Premier Empire.

L’Hôtel de Salm et le Musée de la Légion d’honneur.

L’étonnant itinéraire de la berline de l’Empereur.

Dans le courant de cette année 2012, du 7 mars au 8 juillet, pour être précis, la Berline de Napoléon Ier fut exposée au Musée de la Légion d’Honneur, une institution fondée par l’Empereur des Français lui-même. Ma compagne et moi-même avons visité cette exposition qui nous permit de voir la berline impériale entourée de nombreux effets personnels de Napoléon, ainsi que de la majorité de ses décorations. Dans la retraite précipitée qui suivit la défaite de Waterloo, le 18 juin 1815, l’Empereur dut abandonner derrière lui ses deux berlines et les nombreuses richesses qu’elles transportaient, ce qui permit à la soldatesque prussienne de se livrer à un abondant pillage. Ce sont effectivement les Prussiens qui découvrirent les deux berlines impériales à Genappe, vers 23 heures. Toutefois, sur ordre de leurs généraux, les soldats restituèrent presque intégralement leur butin. La grande berline (la « dormeuse » à six chevaux, pour les longues distances) fut finalement rachetée aux Prussiens par Londres, qui la destina à être exposée au Musée de Madame Tussaud, dès 1842. Elle fut toutefois détruite en 1925 lors de l’incendie qui ravagea le musée. Quant à la petite berline (le « landau en berline », plus rapide), c’est Blücher qui en hérita. Il remit toutefois les effets personnels et les décorations au roi de Prusse. Après la défaite de l’Allemagne nazie, en 1945, les Soviétiques emportèrent les richesses impériales qui, jusque là, avaient été exposées dans de nombreuses collections privées, ainsi que des musées, et les cachèrent dans les réserves du musée historique de Moscou. Quant à la berline, les descendants de Blücher la confièrent en dépôt, le 31 octobre 1973, au château de Malmaison, un dépôt qui devait se transformer en don, deux années plus tard. Et ce sont donc ces différents objets qui furent exposés en 2012 au Musée de la Légion d’Honneur qu’abrite l’Hôtel de Salm.

L’Hôtel de Frédéric III de Salm-Kyrbourg.

La construction de l’hôtel de Salm (n°9 quai Anatole-France et n°2 rue de Lille n°64) fut entreprise par Frédéric III, rhingrave de Salm-Kyrbourg (alias Monsieur de Salm), peu avant la Révolution de 1789. Il est dit que cette construction lui coûta si cher, qu’il dut mettre aux enchères trois ou quatre villages qu’il possédait dans les Vosges ! Lorsque l’hôtel fut terminé, il y donna une fête somptueuse à laquelle se rendit le Tout-Paris. Un an plus tard, il n’était plus que le locataire de son hôtel ! Lorsque survint la Révolution, M. de Salm fit immédiatement cause commune avec elle. Le marquis de La Fayette le nomma capitaine de la Garde nationale et l’hôtel de Salm fut transformé en un club qui porta le nom de « Salmigondis »…parce que l’on y faisait surtout beaucoup de bruit. Par sa profession de foi révolutionnaire, M. de Salm espérait surtout échapper à ses créanciers. Hélas pour lui, les révolutions ont la fâcheuse tendance de dévorer leurs enfants. Monsieur de Salm fut donc arrêté le 13 germinal an II (=2 avril 1794) et conduit à la prison des Carmes. Un an plus tard, Fouquier-Tinville l’accusait d’être l’agent caché de la coalition allemande contre la France et le soir du 5 thermidor (=23 juillet 1795), on le guillotina place du Trône. Sa sœur racheta le terrain où il reposait au côté de 1300 autres décapités. Elle fit consacrer ce lieu et le fit enclore de murs. Reposent également à cet endroit André Chénier, La Fayette et son épouse.

L’Hôtel de Salm durant la Révolution.

Sous le Directoire (octobre 1795-novembre 1799), un certain Lieuthraud (ou Leuthereau) racheta l’hôtel de Salm. Ancien garçon perruquier de province et fils d’un pauvre vigneron de Cortigny, notre Lieuthraud était à présent riche de plusieurs millions. Escroc notoire, il avait su habilement profiter des événements révolutionnaires. Quoiqu’il en soit, ce Lieuthraud devint le nouveau propriétaire de l’hôtel de Salm et vit sa fortune s’agrandir sans cesse, à mesure qu’il ne fournissait ni les canons ni le fer qu’on attendait de lui… Affublé du titre et du nom de « marquis de Beauregard » il paradait à présent dans de superbes attelages de douze chevaux acquis auprès du prince de Croÿ. Toutefois, en 1797, on vit en lui un complice d’un complot royaliste et, dans la foulée, on s’intéressa d’un peu plus près à ses assez malodorantes affaires. De fait, ses escroqueries furent découvertes et il n’échappa à la justice qu’à l’aide de pas mal d’audace et d’argent. Un an plus tard, il était une nouvelle fois arrêté et condamné comme faussaire, mais grâce à quelques amis fidèles et beaucoup d’or, le jugement (quatre ans de fer, l’exposition et la marque) ne fut pas exécuté. Finalement, il mourut, dit-on, au bagne de Toulon, en 1798. A partir de 1799, l’hôtel de Salm servit de lieu de réunion pour divers clubs et cercles, parmi lesquels le « Cercle constitutionnel » dont Madame de Staël et Benjamin Constant étaient les principaux animateurs.

L’Ordre de la Légion d’honneur s’installe.

Le 19 mai 1802, le Premier Consul Napoléon Bonaparte crée l’Ordre de la Légion d’honneur dans le but de « récompenser les vertus militaires et civils », et c’est au nom de l’Ordre que Lacépède acheta l’Hôtel de Salm, le 13 mai 1804. Les premiers mois du Premier Empire virent donc l’installation définitive de l’Ordre de la Légion d’honneur dans l’Hôtel de Salm. Après l’incendie de 1871, la campagne de restauration affecta peu l’aspect extérieur du bâtiment, mais l’intérieur, hélas, fut ravagé par les flammes. De 1922 à 1925, on construisit une aile moderne sur l’emplacement des anciennes écuries de l’hôtel de Salm, aile qui donne sur le parvis du Musée d’Orsay. C’est là que fut inauguré en 1925, à l’initiative du général Dubail, Grand Chancelier de la Légion d’honneur, le Musée national de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie, auquel on accède par le n°2 de la rue de la Légion d’honneur, ex-rue de Bellechasse.

Eric TIMMERMANS.

Sources : Connaissance du Vieux Paris, J. Hillairet, Editions Princesse, p.248 / Guide de Paris mystérieux, Les Guides noirs, Editions Tchou Princesse, 1979, p. 96-98.