Paris Vox- Redécouvrez les grands monuments de Paris, ses rues, ainsi que l’Histoire, petite ou grande, de la capitale.
1.L’Hospice des Quinze-Vingts : de la rue des Echelles à la rue de Charenton.
C’est à l’initiative du cardinal de Rohan, grand aumônier de France, qu’en 1780 on décida de transférer l’hospice des Quinze-Vingts à l’emplacement de la caserne des Mousquetaires-Noirs, situé au numéro 28 de la rue de Charenton (12e). Cette dernière avait été installée, en 1699, par Robert de Cotte, sur le site d’un hôtel du 16e siècle. On y caserna la deuxième compagnie des mousquetaires, nommés les Mousquetaires-Noirs du nom de la robe de leurs chevaux. Ils y restèrent de 1704 à 1775, année où on les supprima. Cinq ans plus tard, on y transporta les malades de l’hôpital des Qunze-Vingts, édifié par Saint-Louis, vers 1260, à la rue des Echelles, sur un terrain voisin du cloître Saint-Honoré et que l’on nommait alors communément le Champourri. Selon la tradition, lors de la septième croisade, que mena Saint-Louis, 300 chevaliers auraient eu les yeux crevés et c’est pour les recueillir que fut édifié l’hospice des Quinze-Vingts, qui comptait donc 300 lits ( 300 = 15 x 20 ; selon l’ancien système vigésimal de numération, système qui était utilisé dans une grande partie de l’Europe au Moyen-Âge et en gaulois, notamment pour le commerce qui ne nécessitait pas l’usage de grands nombres). La chapelle de l’hospice (située aujourd’hui au fond de la cour du n°26 de la rue de Charenton ; quelques tombeaux de l’ancienne chapelle furent transférés dans la nouvelle, dont celui de François de Gondi, premier archevêque de Paris), fut dédiée à saint Rémi et le roi alloua à l’hospice une rente de 30 livres, destinée au potage des 300 aveugles. Mais la cruauté humaine étant sans bornes, on trouva le moyen de s’amuser du malheur de ces aveugles. Ainsi, il est dit que Charles IX et Henri III ne manquaient jamais, lors de leurs séjours à Paris, de se rendre à l’hôpital des Quinze-Vingts pour se délecter d’un bien étrange spectacle dont une description, dans le contexte du quinzième siècle, est parvenue jusqu’à nous :
« En 1425, le dernier samedi du mois d’août, quatre aveugles armés de toutes pièces (c’est-à-dire : en armure) et d’un bâton en main, furent promenés par tout Paris avec deux hommes qui marchoient devant, dont l’un jouoit du haut bois, et l’autre portoit une barrière, où étoit représenté un pourceau. Le lendemain, équipés de même, ils se trouvèrent dans la cour de l’hôtel d’Armagnac, situé à la rue Saint-Honoré, vis-à-vis de celle de Froid-Manteau, où à présent se voit le Palais Cardinal ; et là, bien pis que les « Andabates », qui combattaient à ïeux-clos, au lieu d’attaquer un pourceau qui devoit appartenir à celui qui le tueroit, c’étoit eux-mêmes qu’ils attaquoient, et croyant frapper la bête, s’entredonnoient de si rudes coups, que sans ces armes défensives dont ils étoient couverts, qui pourtant ne les sauvoient pas de blessures, ils se seroient bientôt entr’assommés… » (« Histoire et recherches des Antiquités de la ville de Paris », t. II, H. Sauval, 1724 », cité par « Guide de Paris mystérieux », p.302).
Cet hospice pour aveugles resta établi à la rue des Echelles pendant plusieurs siècles avant d’être transféré, en 1719, à la rue de Charenton.
« Vers 1845, l’hôpital se composait de 300 aveugles de première classe, nourris, chauffés, habillés et recevant en outre 33 centimes par jour ; de 120 aveugles de seconde classe, qui ne recevaient point cette somme journalière, mais que l’on entretenait et qu’on instruisait, et qui pouvaient espérer parvenir à la première classe ; enfin des aveugles de tous les départements qui pouvaient prétendre à l’admission en faisant preuve de pauvreté et de cécité absolue. » (Guide de Paris mystérieux, p.302).
De nos jours, le 28 rue de Charenton abrite le Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts.
2.Un mot sur la rue de Charenton.
La rue de Charenton est une longue artère du 12e arrondissement (arrondissement qu’elle traverse dans sa quasi-totalité) qui s’étend de la place de la Bastille, jusqu’aux limites de Paris, à hauteur de Charenton-le-Pont, dont elle tire son nom. Cette voie existe depuis l’antiquité romaine, mais elle était, à cette époque, située hors des murs de Lutèce. Elle est située sur la rive droite du lit supérieur de la Seine et toutes les constructions situées entre elles et la Seine se situent en zone inondable (ce qui s’est d’ailleurs produit en 1910).
Parmi les sites particuliers de cette rue on notera :
-N°2-22 : Opéra Bastille.
-N°23-25 : Maison du 17e.
-N°24-34 : Hôpital des Quinze-Vingts.
-N°49 : Lycée de Théophile Gautier.
-N°49-51 : Immeubles du 17e dits cour du Bel-Air.
-N°59-61 : Immeuble du 18e, ancienne manufacture Krieger.
-N°189 : Mairie du 12e arrondissement.
-N°304 : Borne murale datant de 1726 (règne de Louis XV), interdisant de construire au-delaà de cette limite jusqu’au village suivant.
-N°327 (jusqu’à la fin de la rue) : Cimetière de Bercy.
Eric TIMMERMANS.
Sources : « Connaissance du Vieux Paris – Rive Droite », J. Hillairet, Editions Princese, 1951-1953-1954, p. 357-358 / « Guide de Paris mystérieux », Les guides noirs, Editions Tchou Princesse, 1979.