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Le Pré Catelan et sa légende.
Le Pré Catelan est une zone du bois de Boulogne qui, jadis, était un simple pré d’où l’on extrayait les pierres. On a usé de celles-ci pour paver les allées du bois. A la fermeture des carrières, il a été transformé en parc d’attractions. Aujourd’hui le « Pré Catelan » est notamment le nom d’un restaurant gastronomique (Lenôtre) installé, au cœur du Bois de Boulogne donc, route de Suresnes, dans un pavillon de style Napoléon III. C’est aussi le nom d’un jardin botanique situé dans la même zone : le Jardin du Pré Catelan. Celui-ci doit son nom au capitaine des chasses de Louis XVI, Théophile Catelan. Mais la légende l’attribue, comme nous allons le voir, à un troubadour aussi amoureux que provençal, nommé Arnault Catelan. Celui-ci y aurait perdu la vie.
Arnault était amoureux de Marguerite de Provence, fille de Raymond Bérenger. Or, ladite Marguerite de Provence avait été promise à Louis IX, que l’on connaît également sous le nom de Saint-Louis (1214-1270). Aussi fut-elle un jour emmenée à Paris, au grand désespoir de notre troubadour. Celui-ci décida finalement de rallier également la capitale du royaume de France. Chemin faisant, il écrivit pour l’élue de son cœur, cent nouvelles chansons, et il emmena avec lui l’âme des plus belles fleurs du terroir de la Provence dont il distillera maints parfums. Après des semaines de voyage, Arnault s’approcha des murs de Paris et traversa la Forêt de Rouvray, dont le bois de Boulogne actuel ne constitue qu’un lointain, partiel et vague souvenir. Il neigeait, il pleuvait, il ventait, mais notre troubadour poursuivit son chemin dans la sombre forêt. Bientôt, l’infortuné Catelan se trouva égaré. Las pour lui, trois larrons à forte poigne guettaient. Ils se ruèrent sur le pauvre troubadour pour lui voler ses maigres trésors. Au vol, les brigands ajoutèrent l’assassinat : Arnault Catelan fut occis par les malandrins.
Quand la reine Marguerite
Sut cela, mère de Dieu !
Elle perdit ses couleurs ;
Le Prévôt fit la criée
Contre ces trois scélérats
Et les Dames éplorées
Elevèrent une croix
Au troubadour malheureux.
Mais depuis la poésie a éclairci le bois sombre
Lilas, acacias, rosiers
Comme en terre de Marseille
Croissent autour de la tombe ;
Et pour boire l’ambroisie
Tout Paris, une fois l’an
Court au Pré de Catelan.
- Un mot sur le Bois de Boulogne.
Le Bois de Boulogne a donc été aménagé là où s’étendait jadis la Forêt de Rouvray, nom qui désignait un lieu planté de chênes rouvres. Cette forêt est mentionnée pour la première fois en 717, dans la charte de Compiègne. Ces terres furent offertes par Childéric II à l’abbé de Saint-Denis, qui y fonda nombre de monastères. Philippe Auguste racheta la plus grande partie de la forêt aux moines de Saint-Denis afin de créer une réserve de chasse sur les terres royales. En 1308, au retour d’un pèlerinage effectué à Boulogne-sur-Mer, Philippe le Bel décida d’édifier une chapelle semblable dans les environs de Paris, afin de raccourcir les pèlerinages (l’église de Boulogne-sur-Mer était alors réputée abriter une statue miraculeuse de la Vierge). Cette église sera finalement édifiée dans un petit village de bûcherons, Les Menuls lès Saint Cloud. Elle sera dotée d’une statue de la Vierge en argent doré, faite à l’image de la vierge de Notre-Dame de Boulogne-sur-Mer. C’est de là que le bois de Boulogne tient son nom. Durant la guerre de Cent Ans, la forêt de Rouvray devint un repaire de brigands. Elle fut également hantée par la soldatesque anglaise et par les troupes du duc de Bourgogne. Brûlée en partie par ses derniers, la forêt fut reboisée sous Louis XI. Sous François Ier et les monarques qui lui succédèrent, la forêt fut aménagée. On y construit le château de Madrid, le parc de chasse fut entouré d’un mur, 15000 mûriers y furent plantés, dans l’espoir d’y lancer une industrie locale de la soie. En 1783, Pilâtre de Rozier et le marquis d’Arlandes, y réussirent le premier vol habité de ballon à air chaud, celui-là même qui fut, comme on le sait, le fruit du labeur des frères Montgolfier. Pendant les troubles révolutionnaires, le bois de Boulogne servit de refuge à nombre de personnes traquées. En 1814 et en 1815, 40.000 Anglais et Russes y campèrent et le ravagèrent. Le bois sera reboisé et repavé sous la Restauration. En 1840, le bois fut amputé de sa partie Est, pour la construction de l’enceinte de Thiers. En 1852, Napoléon III céda le bois de Boulogne à la ville de Paris qui se vit chargée d’aménager l’espace vert en quatre ans. 200.000 arbres furent plantés, des lacs furent creusés, un paysage à l’anglaise fut composé, des hippodromes furent inaugurés, et la forêt de naguère devint définitivement bois d’agrément. A noter toutefois que lors du siège de Paris, en 1870, le bois fut sérieusement endommagé par l’artillerie prussienne, l’artillerie française ayant installé une batterie sur la butte de Mortemart. Le bois de Boulogne est officiellement annexé par la ville de Paris, en 1829, et rattaché au 16e arrondissement. Il s’étend aujourd’hui sur 846 ha (2,5 fois plus grand que Central Park à New-York, 3,3 fois plus grand que Hyde Park à Londres mais presque six fois plus petit que la Forêt de Soignes à Bruxelles) dans l’ouest de la ville. C’est dans sa partie centrale que l’on trouve notamment le Jardin du Pré Catelan.
Eric TIMMERMANS.
Sources : Contes du Vieux Paris, Pierre Jalabert, Ed. F. Lanore, 1966, p. 111-112.