Paris Vox – Dorénavant, Paris Vox publiera régulièrement la retranscription écrite de la chronique de commentaire d’actualité d’Arnaud de Robert diffusée dans la Matinale de Radio Libertés. Aujourd’hui, notre chroniqueur revient sur la grâce présidentielle accordée à Jacqueline Sauvage…
Hier, dans sa grande bonté notre monarque républicain François le petit a donc décidé d’une grâce présidentielle totale à l’endroit de Jacqueline Sauvage. Jacqueline Sauvage, rappelez-vous, c’est cette femme qui avait abattu son mari de trois coups de fusils de chasse arguant de 47 années de violences conjugales et familiales. La légitime défense ayant été rejetée en première instance et en appel, madame Sauvage avait écopé de dix ans de prison. Cette affaire, hautement médiatisée, avait mobilisé les foules, les associations de femmes battues et de victimes de violences conjugales, comme les médias. Tous s’entendaient à dire que le maintien en détention de madame Sauvage constituait au regard de son histoire une peine supplémentaire inutile.
François Hollande avait une première fois cédé en janvier 2016 en accordant une grâce partielle.
François Hollande avait une première fois cédé en janvier 2016 en accordant une grâce partielle. Le voilà maintenant qui libère madame Sauvage. Epilogue heureux pour beaucoup pour cette affaire et surtout pour cette femme qui avait déjà assez souffert. Pour beaucoup oui sûrement mais pas pour votre serviteur. Oh, je ne vais pas vous faire le coup du bon démocrate – que je ne suis pas -en vous assenant le respect des lois ou de l’indépendance de l’appareil juridique. Non, mon positionnement, minoritaire je le sais, contre cette grâce trouve d’abord son fondement dans la mise en parallèle de cette affaire avec celle de monsieur Fournié, buraliste dans le Tarn qui a écopé il y a quelques semaines de dix ans de prison pour avoir abattu le cambrioleur qui s’était introduit dans son commerce. Si le cas de madame Sauvage a soulevé les indignations médiatiques et associatives, celui monsieur Fournié n’a reçu qu’indifférence et silence approbateur. Or, dans ces deux cas, c’est sur la légitime-défense et plus largement sur la notion d’auto-défense que la culpabilité ou la non-culpabilité a été décrétée par la vindicte populo-médiatique. Et c’est sur ce point que ça pique. Car le cas de madame Sauvage est tout sauf évident. 47 ans de violences conjugales supposées, mais des tonnes de zones d’ombres, de présomptions, de manque de preuves. Une femme licenciée d’une société de chasse qui abat son mari de trois coups dans le dos. Une préméditation bien plus facile à prononcer pour elle que pour le buraliste qui s’est retrouvé nez à nez avec son cambrioleur et pourtant … Madame Sauvage a été décrétée victime alors que monsieur Fournié est lui devenu un assassin. Je ne conteste pas l’effroyable enfer que peuvent constituer les violences conjugales et je sais aussi que dans notre pays si civilisé, une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son conjoint. Mais les faits ne peuvent être jugés à l’aune de l’émotion si légitime soit-elle. Or, entre une femme qui abat son mari supposé violent et un homme de 50 ans qui abat un cambrioleur de 17 ans, la bascule émotionnelle est facile à deviner. Peu importe d’ailleurs que le cas de monsieur Fournié se rapproche bien plus clairement de la légitime-défense que celui de Jacqueline Sauvage. Le buraliste du Tarn a le gros désavantage d’être un mâle blanc de plus de cinquante ans. Difficile de lutter contre une femme battue, durant 47 ans en plus si l’on en croit ses déclarations. Là, on est très loin des éléments objectifs qui devraient présider aux débats et les mêmes qui militent pour la libération de Jacqueline Sauvage valident les dix ans de prison du buraliste.
On nage en plein fantasme compassionnel.
Pourquoi ? Parce qu’on nage en plein fantasme compassionnel. Et c’est l’image même de cette société qui transparait au travers de l’incohérence de ces attitudes. On pourrait presque oser le parallèle avec ce qui se passe à Alep et Mossoul, ou encore avec les guerres menées en Syrie ou au Yemen. Le monde est ainsi aujourd’hui, loin de toute mesure, de tout recherche d’équilibre. Soit on est un gentil ou décrété comme tel, soit l’on devient le méchant peu importe ce que l’on a fait. Ce n’est pas le peuple qui décide, c’est l’opinion, c’est-à-dire ce magma en permanence malaxé par l’ingénierie sociale, les lobbies, les médias et les agendas politiques. Hier, Hollande a cédé à l’opinion, contre le peuple souverain qui avait jugé. L’idéologie et la démagogie contre le réel. Cela devient une habitude, pourvu que cela ne devienne pas une méthode de gouvernement. Bonne journée !