Plus de primaires, moins de démocratie …

Plus de primaires, moins de démocratie …

Paris Vox – Dorénavant, Paris Vox publiera régulièrement la retranscription écrite de la chronique de commentaire d’actualité d’Arnaud de Robert diffusée dans la Matinale de Radio Libertés. Aujourd’hui, notre chroniqueur se penche sur la question, omniprésente médiatiquement, des “primaires”.


 

Les primaires ! Cela fait déjà des semaines que l’on nous bassine avec les primaires et ce n’est pas fini. Celles de la droite et du centre vont nous occuper jusqu’à fin novembre, celles du PS auront lieu en janvier mais on pourrait voir celles de la seconde gauche durant l’automne. Matraquage médiatique, floraison de candidats, manœuvres en tout genre, ralliements, trahisons, retournements, sondages contradictoires, petits mots acides, phrases assassines, déclarations grandiloquentes, parades et coups de mentons, c’est bien simple on dirait qu’il ne se passe rien d’autre en France depuis la fin de l’été ou plutôt si mais que tout ce qui se passe est tamisé, interprété par les candidats en campagne. La presse oligarchique abuse ad nauseam des entretiens intimistes où prétendant nous refait le monde à sa sauce. Cuisine magique par ici, leçon de pragmatisme par là, posture du bon père de famille pour l’un, du jeune loup conquérant pour l’autre.

Le paysage politique français déjà dévasté par la bêtise crasse de ses représentants est devenu une gigantesque scène de théâtre – de guignol bien sûr – sur laquelle la trentaine de « priméristes » s’ébat entre délire égotique et haine de l’autre.

Franchement, rien ne justifiait d’importer ce système de désignation essentiellement américain

 

Franchement, rien ne justifiait d’importer ce système de désignation essentiellement américain. On sait qu’en 2012 au PS on l’a introduite pour « démocratiser » le choix du prétendant au trône présidentiel. Mais tant qu’à faire, le modèle aurait pu être importé in extenso . Mais non, on a préféré remanier l’affaire à la sauce française, une bonne tambouille nationale sans queue ni tête. Car ce que peu de gens savent c’est que les primaire américaines sont des primaires fermées ou semi-fermées, ce qui signifie qu’elles sont réservées aux militants et adhérants à jour de cotisation d’un parti politique. Alors qu’en France, tous le partis ont adopté la primaire ouverte. Une simple déclaration et n’importe qui pour voter. N’importe qui ? Et bien non. Car ce nous disent les chiffres de 2012, c’est que ce sont les plus âgés et les plus aisés des sympathisants qui vont voter. C’est qu’il faut du temps et des moyens intellectuels pour discriminer dans toutes ces offres. Ceci entraîne la renaissance d’un suffrage censitaire gérontocratique là où on voulait que les jeunes reviennent à la politique.

Dans le système des primaires, la compétition se fait entre des personnes et l’on choisit des hommes ou des femmes plutôt que des idées

Mais il y a pire. Ce greffon des primaires ne correspond absolument pas à l’ADN de la 5e République. De Gaulle, qu’on l’aime ou pas, voulant éviter les cacophonies et instabilités des 3e et 4e Républiques avait fait du scrutin présidentiel un vote vertical et simple, chaque parti présentant un programme et un candidat. Or, si au sortir des primaires nous aurons bien des candidats désignés, on se demande comment le vainqueur pourra trouver assez de cohérence interne pour écrire un programme. Vous me direz pas grave, de toute façon ils ne les appliquent jamais. Certes, mais tout de même. Dans le système des primaires, la compétition se fait entre des personnes et l’on choisit des hommes ou des femmes plutôt que des idées. On assiste en fait à une compétition entre plusieurs micro partis centrés sur des vedettes. Cette atomisation décrédibilise un plus encore le champ politique en libérant sur la place publique les querelles  de personne et vaporise la lisibilité programmatique de chaque camp. Elle dévalorise enfin grandement le rôle des partis autrefois lieu de la définition des choix politiques et désormais théâtre des prises de bec des prétendants. Loin de simplifier l’offre politique, les primaires accentuent donc la personnalisation, la starisation de la vie politique tout en recréant une forme de suffrage censitaire et en détruisant le socle partisan. Une vraie course de chevaux. Et on ose encore appeler cela démocratie ? Quelle blague !