Paris Vox – (Tribunes) – Âgé de 65 ans, Taï-Luc, chanteur de La Souris Déglinguée (LSD) est décédé.
Icône pour certains, inconnu pour d’autres, le départ de Taï-Luc sonne comme la fin d’une époque. Celle des “contre-cultures”, des bandes à Paris et des guerres entre skinheads, rockeurs, etc.
Il laisse derrière lui bon nombre d’albums. Un certain nombre de ses chansons sont devenues des hymnes pour son public. Si les grands médias ont largement boudé LSD, les fans, eux, ont toujours suivi le groupe. Difficile de ne retenir qu’une chanson, LSD, c’est du rock, mais chaque album avait un univers assez unique. Cette phrase qui semble s’imposer à chaque nouvel album de toutes les starlettes actuelles, est pourtant vraie tant LSD a expérimenté différentes ambiances et influences au niveau musical.
La Souris Déglinguée a joué partout ou presque, des petites salles parisiennes à l’Olympia, des salles de province au Midi Festival de Shanghaï.
Taï-Luc a chanté Paris, ses faubourgs, sa banlieue et l’Indochine. Nombreux sont ceux qui ont voulu lui coller des étiquettes, lui demandant, le pressant même, à se ranger derrière telle ou telle bannière. Luc s’y est toujours refusé, son parti c’était la Musique et puis la Raya surtout (surnom des fans du groupe).
Maintenant que Luc est parti, il convient donc de ne pas lui attribuer d’engagements à titre posthume.
On peut toutefois dire sans trop se mouiller que Luc était avant tout épris de liberté. C’est pourquoi, il parlait à quiconque venait le voir, sans oeillères ni aprioris.
Aux concerts de LSD, c’était souvent le grand écart au niveau du public. Et les concerts pouvaient terminer en bagarre générale. Cela ne refroidissait pas les ardeurs du public, au contraire pour certains même !
Ces dernières années, Luc était devenu bouquiniste. On pouvait le saluer à sa boîte à proximité de l’hôtel de Ville. Il faisait par ailleurs partie de ces bouquinistes qui s’indignent qu’on exige d’eux de disparaître le temps des JO.
Quand vous passiez le voir, ce n’était que rarement pour un simple bonjour. Les discussions pouvaient durer des heures. On parlait pêle-mêle de l’Asie, des Karen, du Rock, de Paris, et de bien des choses encore…
Luc savait regarder les choses avec la hauteur d’un sage. Il avait pourtant eu une jeunesse bien agitée, mais tout cela était loin. Il savait être lucide sur les sous-cultures sans cultiver la nostalgie.
Depuis quelques années, le groupe ne se produisait plus. Au grand dam de ses plus grands fans qui venaient visiter Luc au quotidien pour sonder les possibilités de revoir le groupe sur scène. En vain…
Luc confiait aux plus intimes son envie de réaliser une comédie musicale qui parlerait de l’histoire des bandes parisiennes dans les années 80. Un projet qui semblait fou mais qui faisait terriblement envie.
J’ai eu le droit à des leçons privées de Luc sur les graphies vietnamienne en passant à sa boîte à livres. La casquette moins connue du poète, car il donnait en effet des cours à l’INALCO (institut national des langues et civilisations orientales).
Luc parti, c’est une époque qui disparaît avec lui. Il nous quitte la même semaine que Shane MacGowan des Pogues, autre poète. On a envie de te chanter au moment de se dire au revoir : “Tu es parti sans dire adieu,
Sans avoir envie d’être vieux,
On pouvait lire au fond d’tes yeux,
Jeune pour toujours et c’est encore mieux”
A bientôt et merci !
La voix d’un de tes camarades, Jean Ernice.