Cubi or not cubi ?

Cubi or not cubi ?

Paris Vox (Tribune) – Voici des années que nous offrons nos données à l’ogre Facebook pour avoir la joie de pouvoir contempler l’épanouissement des enfants moches et mal élevés des autres, les théories politiques pleines de débilité morbide d’un camarade de classe qu’on n’a pas vu depuis 20 piges, ou encore des tops gauchisants et aussi tristes que Gad Elmaleh chantant Nougaro. Y’a aussi les vidéos de chiens qui mangent des trucs. Ça j’aime bien.

Heureusement, la contrepartie est que l’algorithme de Facebook nous connaît mieux que notre mère, mieux que notre femme, et même mieux que notre maîtresse. C’est pour cela que, contrairement à ces trois-là, Facebook sait toujours quoi nous proposer pour nous faire plaisir. C’est comme ça que « Let It Bib » (https://let-it-bib.fr/) est entré dans ma vie. Par une pub Facebook.

Alors bien entendu, étant au départ un CSP+ snob qui se respecte je me suis tordu le nez devant une telle suggestion. Du vin en cubi ? Pour un esthète comme moi ? Mais jamais de la vie !

Cependant, les pubs, comme le ressac, revenaient, aiguisant un peu plus ma curiosité à chaque fois. Et mon snobisme a fini par céder devant mon boboïsme. Après tout, c’est quand même écolo comme format, c’est moins de transports, des matières recyclables… En plus Let It Bib ne propose que des Bag In Box ou « bib ». Les cubis, c’est pour les prolos, pas pour les gens raffinés comme leurs clients, issus de l’agriculture bio voir même biodynamique ! C’est quelque chose ça quand même !

Finalement, c’est mon alcoolisme qui a emporté le morceau, un dimanche après-midi post déjeuner bien arrosé. Merde c’est le confinement, on se fait chier, tentons des nouveaux trucs, soyons fous, et ainsi de suite. Bref j’ai passé une commande.

Let It Bib est situé dans le 10ème arrondissement de Paris, mais leur système de livraison est extrêmement efficace et je reçus donc ma livraison 2 jours plus tard. Un format 3 litres de « Allez bon vin » – un petit blanc présenté sur leur site comme étant une absolue merveille à 29 euros – et un format de 5 litre de « Domaine de Fages » – un cahors à 45 euros.

Le « Allez bon vin » est présenté comme voulant s’affranchir des carcans du Muscadet, et est donc vendu comme « vin de France ». Bon… Disons le tout de suite, en terme de vin se réinventant, on est plus dans le style de Britney Spears se rasant la tête après un gros craquage mental que de Coluche déployant son talent dans Tchao Pantin. D’abord, au moment du tirage on constate que le vin est trouble. Alors d’abord on se dit que c’est à cause de la biodynamie, de l’absence de sulfites etc. Puis quand même, on s’inquiète un peu parce qu’il n’est pas vraiment prévu de se taper une courante foudroyante le lendemain. Alors on contacte le service client de Let It Bib qui, et c’est un excellent point à noter, répond très vite, très bien et très courtoisement. Donc en gros, pas d’inquiétude à avoir, ça arrive avec ce pinard, tout va bien. Dans ces conditions on se lance dans la dégustation et bon… bof quoi. C’est correct mais pas tellement plus. 29 euros les 3 litres, c’est pas loin de 10 euros le litre auquel il faut rajouter le prix assez important de la livraison. Le tout met la bouteille à 9,20 euros à la louche. Franchement cher pour ce que c’est.

Le Domaine de Fages, lui, fait penser à ces vins qu’on va boire à la ficelle. C’est pas terrible, mais ce n’est pas mauvais non plus : un vin de soif qui glisse tout seul et donne envie d’être avec des copains devant un plat roboratif. A 7,95 euros la bouteille on n’attendait pas de miracle et on n’en a pas eu.

Donc globalement, déception.

Mais quelque chose me disait que je n’en avais pas terminé avec les bibs. Après tout, je pouvais aussi être coupable d’avoir acheté des vins qui ne me plaisaient pas. Ce n’était intrinsèquement ni de la faute des vignerons ni de celle de Let It Bib.

Donc j’ai sagement obéi à ma femme et je n’en ai pas racheté… Jusqu’à cet autre dimanche tellement arrosé qu’il a abouti à une projection de Karaté Kid à mon fils de 10 ans, et à une bibliothèque démolie suite à une tentative de démonstration du coup de pied final du film.

Bref, j’ai commandé 2 autres bibs en tenant compte de ce qui m’avait déçu lors de ma première commande. Un vrai Muscadet du domaine Ménard-Gaborit à 29 euros les 5 litres, et du Gofacius – un coteaux du Lyonnais du domaine de Prapin – à 49 euros les 5 litres.

Et là, ça n’a pas été la même limonade du tout.

Le Muscadet est vif comme tout, un vrai vin du matin comme les appréciait Jean Carmet, un vin qui réveille les papilles et donne envie de fruits de mer. Et à 5,55 euros la bouteille en comptant le transport, pourquoi se priver ?

Le Gofacius est lui le fruit de vignes de plus de 60 ans et d’un travail de vinification tout à fait remarquable. On est entre l’excellent beaujolais et le très bon Côtes du Rhône. Beaucoup de fruits, beaucoup de souplesse, beaucoup de reviens-y. C’est bon, et à 8,55 euros la bouteille, la vie devient soudain vraiment assez belle, surtout avec ce soleil rasant d’hiver, une viande mijotée des heures et des enfants à la sieste.

En conclusion, je ne suis plus hostile au bib en tant que concept, ils peuvent receler des vins tout à fait excellents. De plus, le fait que ces vins soient bio et sans sulfites rend les lendemains de dégustation assez faciles, même quand on a poussé le bouchon très loin pour bien vérifier qu’on n’aimait pas tellement le pinard dont on prenait de belles lampées. Les parisiens seront largement avantagés au niveau des prix s’ils peuvent se déplacer au 17 rue Alexandre Parodi 75010 Paris car ça leur évitera de payer un important surcoût pour la livraison.

En plus, si vous achetez entre le 17/11/20 et le 29/11/20, 10% du chiffre d’affaire réalisé sera reversé à Vendanges Solidaires, une association à but non lucratif reconnue d’intérêt général qui soutient les domaines viticoles face aux changements climatiques, et notamment les vigneron(ne)s qui, en un orage ou un coup de gel, perdent une année de travail.

Donc en 1 mot comme en 100, je clame en cœur avec Let It Bib : « Vive le cubi libre » !