Paris Vox (Tribune) – Solution d’urgence mise en place pendant le confinement, l’activité partielle a été mobilisée par le gouvernement pour préserver l’emploi des français. Les entreprises, contraintes de réduire leur activité et celle de leurs « collaborateurs » voire de fermer temporairement leurs établissements, ont pu profiter du dispositif d’activité partielle. Cet outil permettait aux employeurs de verser une indemnité aux salariés, en lieu et place des salaires disparus. L’État prenant une partie de l’indemnisation en charge par le versement d’une allocation à l’entreprise. Ainsi au plus fort de la crise, la France pouvait se vanter d’avoir l’un des dispositifs les plus protecteurs d’Europe !
La sémantique est une arme, et il ne faut pas s’y tromper, « l’activité » partielle n’est que le nouveau nom de l’ancien « chômage » partiel. Et, l’automne arrivant toujours après l’été, le gouvernement s’est empressé de réduire la prise en charge de l’allocation et le montant de l’indemnisation du salarié. Les feuilles tombées, les salariés semblaient bien démunis pour faire face à l’hiver économique annoncé.
C’est ici qu’entre en jeu la création d’un « nouvel » instrument : l’activité partielle de longue durée (APLD). Ce dispositif n’est pas réellement différent de sa grande sœur, l’activité partielle : l’employeur réduit l’horaire de travail de ses salariés pour se maintenir à flots et, en échange de l’indemnité versée à ces derniers, reçoit une allocation de l’Etat. Changement de grande importance, cet outil est réservé aux entreprises confrontées à une réduction durable d’activité. Mis en place comme une mesure d’urgence, l’activité partielle est alors en train de faire sa normalisation et de rentrer peu à peu dans le quotidien professionnel des salariés. Or, ce changement de temps de travail pose un certain nombre de questions.
Des garde-fous version château de cartes ?
Premier garde-fou du dispositif, celui-ci doit être habilité par un accord collectif conclu avec les syndicats de l’entreprise rendant la négociation collective passage obligé. De plus, l’employeur doit s’engager, dans l’accord, à ne pas licencier pour motif économique les salariés en APLD et à mettre en place des mesures de maintien d’emploi. Deuxième garde-fou, l’autorité administrative (le préfet) assure le contrôle de l’ensemble des conditions requises et sanctionne éventuellement l’employeur (suspension de l’allocation ou remboursement des sommes données) en cas de manquement.
Ni l’un, ni l’autre, ne sont suffisants pour permettre un véritable contrôle de cet instrument. Premièrement, il est toujours insensé de penser que les syndicats actuels peuvent représenter de réels contre-pouvoirs au sein de l’entreprise, a fortiori durant une négociation où le devenir de l’entreprise est en jeu. Ajoutez à cela deux ans de macronnie qui ont supprimé le rôle des corps intermédiaires et le bouclier syndical saute. Deuxièmement, la sanction que peut prendre l’administration est asséchée par la loi instaurant le dispositif. En effet, si « les perspectives d’activité se sont dégradées par rapport à celles prévues dans l’accord collectif, le remboursement peut ne pas être exigé ». Belle lapalissade ! Il est évident que si l’employeur n’a pas réussi à maintenir les emplois, la raison vient d’une activité économique dégradée… Ainsi les protections sont largement surmontables pour les entreprises. Comme toujours dans notre temps, l’exigence économique passe avant l’exigence sociale.
Les salariés en forfait jours : génération « burn out » ?
Le flexible forfait jour dévoile son injustice avec le chômage partiel. Mis en place pour les salariés ayant une autonomie dans l’organisation de leur travail, la convention de forfait permet de ne plus comptabiliser le travail du salarié en heure sur une journée mais en jours sur une année. Ainsi, le collaborateur ne bénéficie plus du régime des heures supplémentaires mais organise « son temps » professionnel comme il l’entend.
Bien entendu, ce temps doit s’organiser avec les objectifs assignés par l’employeur. L’APLD prévoit une baisse maximale de l’horaire de travail de 40%, soit une réduction de deux jours de travail par semaine pour les salariés au forfait. Mais comment réduire le temps de travail d’un cadre si ses objectifs, eux, sont les mêmes ? Ne nous y trompons pas, la charge restera la même, voire sera plus importante qu’auparavant dans un contexte où l’activité de l’entreprise devra être relancée. Le même travail devra donc être effectué, non plus sur cinq mais sur trois jours. Ambiance !
Les salariés au forfait sont donc les grands perdants des dispositifs d’activité partielle. La prochaine épidémie sera peut-être celle du « burnout » ? Une chose est certaine, la diminution de revenus, elle, sera la même pour tout le monde.
Un chômage partiel à occuper entièrement ?
Les salariés concernés par le chômage partiel sont libérés de toute obligation professionnelle durant une partie de la semaine. Autant de « temps de cerveau disponible » qui représente un enjeu économique fort pour les géants d’internet. Netflix, Amazon Vidéo, et tous les autres vendeurs de divertissement sont en pôle position pour s’occuper de ce nouveau temps libre. Une occasion de plus pour transformer en herbivore ruminant des canapés, version Spengler, le salarié en manque d’occupation.
Pourtant, face à l’atmosphère de peur sanitaire et d’angoisse économique, le chômage partiel peut être l’occasion pour de nombreux salariés de reconsidérer leur relation avec le monde du travail. Avec une activité professionnelle qui n’occupe plus que 3 jours de la semaine, l’opportunité est rêvée pour mettre de la distance entre « soi » et « son entreprise », d’espacer le professionnel et le personnel. Pour la première fois, les travailleurs concernés passeront plus de temps pour eux que pour le travail. L’occasion peut être de lire d’avantage Paris Vox…
Surfez la vague !
La coupure des relations sociales (collègues, clients, fournisseurs) est forcée avec l’APLD. De manière générale, ce phénomène se retrouve dans tous les « nouveaux outils sociaux » montrés comme le progrès vanté par nos dirigeants : allongement des congés, télétravail… APLD.
Mais il ne s’agit ni de s’enfermer dans un individualisme devenu la marque de fabrique du « Système », ni de rester dans la critique simpliste et réactionnaire du conservatisme. Toute vague est faite pour être surfée. Ce temps de « liberté » ne doit pas être un temps pour des « occupations » mais bien pour des « actions » : formations, constructions de liens sociaux, initiatives locales… et tant d’autres choses qui ne demandent qu’à être explorées et approfondies. Il est temps de construire des engagements nouveaux autour de Nous. Il est temps d’être les bâtisseurs d’un avenir plus social et national. Bref, il est temps de bâtir notre vaisseau !