La leçon de Maître Macron

La leçon de Maître Macron

Paris Vox (Tribune) – Chaque semaine, en partenariat avec Radio Libertés, nous publions la retranscription écrite de la chronique d’actualité et d’analyse d’Arnaud De Robert. Aujourd’hui, il se penche sur les presations télévisées du président Macron. 


Finalement, une salle de classe c’est bien trouvé pour raconter des histoires aux enfants. Aux 67 millions d’enfants qui semble-t-il peuplent la classe de maître Macron. Décidément, ce type est incapable de quitter l’ambiance « éduc nat » de ses premiers amours … Bref, comme je me sens définitivement un mauvais élève de cette classe, je viens ce matin vous conter ma version du cours qu’a reçu le brave Pernault et de la leçon qui a suivi hier soir devant les élèves Plenel et Bourdin.

J’espère enfin que ceux qui ont encore des doutes ont compris avec ces deux séquences successives ce que signifie l’ingénierie sociale. Nous avons eu en effet le droit au déploiement de toute la panoplie et sur tous les sujets : story telling, reality building, fabrique du consentement, contrôle mental … Mais surtout une capacité extraordinaire au mensonge. Le mensonge n’a rien de nouveau, les politiques en font un usage immodéré depuis les temps antiques. Mais la nouveauté réside ici dans la sophistication de ce mensonge. Avec Macron, le mensonge s’habille, se technologise, se fait précis, construit, ciselé. La puissance de ce mensonge réside d’ailleurs dans la superbe cohérence apparente du récit, des récits.

Avec Macron, le mensonge s’habille, se technologise, se fait précis, construit, ciselé. La puissance de ce mensonge réside d’ailleurs dans la superbe cohérence apparente du récit, des récits.

Ceci me rappelle la glaciale phrase d’un des tenants de l’Ecole de Palo Alto, je cite : « La réalité n’a aucune importance, il n’y a que la perception qui compte ». Ce constructivisme radical quasi démiurgique de constitutions d’hallucinations collectives, partagées, normalisées et définissant la pseudo-réalité commune est servi avec brio par un Macron au calme olympien. Oui, olympien tant le contraste avec les deux roquets Plenel et Bourdin a semblé fort. De fait, Emmanuel Macron à presque passé la moitié de son temps à démonter, à déconstruire les questions qui n’en étaient pas des deux starlettes du P.A.F. On était presque sur un remake du débat de l’entre-deux tours avec Marine Le Pen. Ce calme est la marque de moule oligarchique. Il s’apprend comme je l’ai déjà dit dans les pouponnières financières d’où vient Macron. Par comparaison, les deux journaleux fielleux ont semblé venir d’un autre monde, d’où ils viennent d’ailleurs. C’est le monde d’avant, celui de la politique du vingtième siècle, encore une guerre et une compréhension de retard.

Mais revenons au contenu « pédagogique » – mot à la mode au sein des équipes macroniennes – de l’entretien. Cette pédagogie vise en fait à stabiliser les relations causales falsifiées par le pouvoir. Les zadistes deviennent des casseurs professionnels, le bombardement de la Syrie se fonde sur des preuves pour le moment inexistantes, non fournies et surtout non demandées par les journalistes, l’agression de la Syrie devient une « réponse de la communauté internationale » même si elle défie le droit du même nom et les instances onusiennes qui deviennent caduques. Les cheminots ne sont pas loin de devenir des feignants et la réforme sert de dogme religieux. Tout cela est tellement énorme que tout le monde devrait bondir, mais il n’en est rien. Car cet illusionnisme, cette prestidigitation appliquée à tout le champ social est sentencieusement servie par une rhétorique de l’apparence qui est en fait une rhétorique de l’arrogance mais impitoyablement lisse, transparente, désespérément horizontale. Aucune aspérité du discours, aucune émotion, aucune vibration. On sait que tout cela sert à construire une réalité truquée mais on reste amorphe, hébété, sans réaction. La communication de Macron est une arme de destruction massive, un totalitarisme mou, mais dur, mais mou contre lequel taper ne sert finalement à rien. Langage de coton mais vraie violence institutionnelle, vraie violence symbolique. C’est sûrement cela le totalitarisme soft. Un mélange des Bisounours, de Robocop, le tout appuyé par des intraveineuses massives d’anesthésiants. Dès lors, la question centrale est bien celle de savoir si s’opposer à cette machine à réécrire le monde n’est pas tout simplement vain voire contre-productif. La réponse ne se trouverait-elle pas dans l’urgente nécessité qui est la nôtre de nous mettre à produire notre propre réalité, à construire notre propre contre-société ? Le débat est ouvert. Bonne semaine.