Paris Vox a le plaisir de proposer à ses lecteurs une sélection des retranscriptions écrites des chroniques d’Arnaud de Robert, diffusées quotidiennement dans la matinale de Radio Libertés.
Allez en cette veille de week-end bien mérité, nous allons changer un peu le prisme des analyses. Ce n’est pas que l’on ennuie à faire des décryptages macros depuis quelques jours, mais enfin il n’y a pas que les nouveaux ministres qui comptent. C’est vrai, avec tout ce raffut et ces péripéties de nomination on en oublierait presque que ce grand barnum est arrivé … par les urnes. Aussi incroyable que cela puisse paraître, depuis qu’Emmanuel Macron est devenu président de la République, tout le monde – médias en tête – a tout simplement oublié son électorat. Les journalistes sont tellement friands de la peopolisation de la vie politique de ce pays qu’ils ne s’intéressent même plus aux faiseurs de rois que sont les millions d’électeurs macroniens. Ce n’est pas gentil ça ! On n’abandonne pas comme cela des millions de personnes que l’on a si ardemment harcelé pendant des mois, que l’on a pressé de respecter la démocratie, à qui l’on a demandé de châtier les méchants, de le faire sans hésiter sous peine de devenir eux aussi des parias et enfin de porter à la magistrature suprême le plus emblématique représentant de la machine oligarchique. Il y a peut-être tout de même une raison à ce désintérêt et qui n’appartiendrait pas qu’au caractère oublieux des plumitifs de la presse aux ordres. Et cette raison est que l’on a bien du mal à trouver ces derniers jours des électeurs de Macron, revendicatifs ou pas. Alors, je me suis livré toute la semaine à une petite enquête. Je suis parti à la recherche du soldat macronien perdu. J’ai de la chance, mon travail d’universitaire me fait côtoyer nombre de catégories de votants : des personnels de ménage aux étudiants, des professeurs aux administratifs, de la dame de la cafeteria au livreur de pizzas.
Au terme de mes investigations, je peux découper le macronien en trois catégories : l’assumé, le résigné et le honteux.
Au terme de mes investigations, je peux découper le macronien en trois catégories : l’assumé, le résigné et le honteux. Prenons l’assumé pour commencer. D’abord il faut dire que c’est une espèce plutôt plus rare qu’on ne le pense. Passé le délire orgiaque de la séquence présidentielle, passée la grande communion autour du leader maximo au Louvres, il semble que la gueule de bois électorale ait rattrapé des macronophiles pourtant effrénés. L’assumé donc est une perle rare. Il n’en est que plus intéressant. Car depuis la victoire, il est devenu sérieux. A l’instar de son idole qu’il tente de singer, il projette, il échafaude. « Ce sera très dur tu sais Arnaud, nous sommes condamnés à bien faire, à gagner, sinon la suite c’est les fachos ». L’emploi de ce « nous » me fait penser que Macron aura au moins réussi à cohérer quelques preux chevaliers jusque dans les tréfonds du corps social. Bref, ce ton emprunté, cet air sérieux souvent non feint est pour le macronien convaincu la marque du changement. Maintenant, les grandes manœuvres commencent. Humain et humble, le convaincu en appelle à la clémence du peuple en répétant tel un mantra « qu’il faudra quelques mois » pour voir quelque chose. Ça, le résigné lui n’en est pas convaincu du tout. Lui, il a voté Macron parce que son seuil de gavage médiatique a été dépassé. Son indigestion de péril fasciste l’a conduit à abandonner sa liberté et son libre arbitre dans l’isoloir. Il ne sait toujours pas vraiment comment lui le socialiste, lui l’homme de droite, lui l’écolo en est arrivé à mettre un bulletin Macron. C’est comme s’il avait été drogué. Et ça lui laisse un gout amer et la sensation vague d’un viol mental presque consenti. Lui, il va avoir du mal à reprendre le chemin des urnes. Son écœurement est tel qu’il ne songe à vrai dire qu’à ses vacances. Quant au honteux lui, il faut le travailler des heures durant pour obtenir ses aveux. « Oui bon allez, j’ai voté Macron, voilà c’est dit, on passe à autre chose ». Et ben non, parce moi je veux savoir pourquoi il a voté quand même. Et j’obtiens toujours un susurré : « Oui mais il faut que ça change ». Donc Macron est vraiment fort. Il a vendu sa boutique oligarchique pourrie comme un élément, comme le moteur du changement. Et le sentiment diffus du honteux c’est quand même de se racheter en participant au changement. Ah ce changement ! Depuis le temps qu’on l’attend ! Finalement cette enquête est riche d’un enseignement : Si Macron se plante, cette idée de changement reste et restera comme un désir inassouvi. A nous donc de susciter le vrai changement. Bon week-end !