Oligarchie financière: l’île fantastique

Oligarchie financière: l’île fantastique

Paris Vox – Chaque semaine, en partenariat avec Radio Libertés, nous publions la retranscription écrite de la chronique d’actualité et d’analyse d’Arnaud De Robert. Aujourd’hui, il se penche les projets de création d’îles artificielles échappant au contrôle des Etats pour accueillir l’hyper-classe mondiale. 


Peter Thiel, milliardaire américain d’origine allemande, notamment co-fondateur de Paypal, veut créer d’ici 2020 un nouvel Etat implanté sur une île artificielle au milieu du Pacifique, en pleine Polynésie française, à proximité de Tahiti. Réunis au sein de l’association « The Seasteading Institute », un groupe d’entrepreneurs californiens travaille à la création de plusieurs îles artificielles qui seraient reconnues comme des Etats à part entière. Dans ces cités flottantes, aucune taxe, aucun impôt, aucun compte à rendre à tel ou tel gouvernement.  Un paradis libéral pour une élite très, très fortunée – le droit d’entrée est à 15 millions de dollars tout de même – voulant s’affranchir des tutelles gouvernementales, étatiques, des lois et des fiscalités. En pleine affaire des Paradise Papers, on peut dire que nos chers supers riches ne manquent pas de cran.

Après avoir saccagé la planète, pollué pratiquement tout ce qui était possible de l’être, imposé la dérégulation économique, la précarisation du travail, la financiarisation de l’économie, l’invasion migratoire, le dumping social, voilà maintenant que l’hyperclasse mondialisée entend s’extraire définitivement de l’humanité en créant son paradis exclusif. Ainsi s’amorce la troisième phase du zonage capitalistique. Troisième phase oui, car il y a d’abord eu l’offensive générale contre le droit, la loi et les protections des économies. Il y a ensuite eu la destruction des ennemis de la globalisation par les coups d’Etats, les révolutions, le terrorisme, les blocus, la famine, l’invasion migratoire, le mensonge médiatique et j’en passe.

l’hyperclasse mondialisée entend s’extraire définitivement de l’humanité en créant son paradis exclusif.

Il y a maintenant la matérialisation de la puissance de ces firmes transnationales et de leurs dirigeants. Il manquait en effet à ces super entreprises, à leur infinie capacité financière et aux dirigeants de l’oligarchie une dimension  fondamentale à l’expression de leur toute puissance : le territoire. Cet élément clef de la matérialisation du pouvoir total des firmes est donc en train de devenir réalité. Car, n’en doutons pas, ce que beaucoup encore dans les médias prennent pour la dernière lubie d’un doux dingue bourré d’argent est en fait l’amorce d’un processus stratégiquement pensé, celui de la privatisation finale de l’espace terrestre. Pour qui est un peu observateur, les signes sont déjà là depuis quelques temps. Les firmes achètent des milliers d’hectares de bonne terre partout dans le monde, créent et fondent des villes fermées et privatisées pour habitants fortunés. Le projet d’Etat indépendant dans le pacifique, Eldorado pour milliardaire n’est donc pas une chimère. La technologie est là qui rend possible le projet, l’argent aussi et la volonté surtout. Car ce paradis flottant n’a rien de commun avec un village vacance. Il n’est pas prévu comme un lieu de villégiature temporaire mais comme une base de vie permanente, une base capitaliste durable en quelque sorte, avec maisons, restaurants mais aussi bureaux, banques et commerces.

Face à l’inquiétude légitime des polynésiens à propos d’un tel projet, notamment en matière de respect de l’environnement,  les membres ce projet Seasteading sont allés jusqu’à nommer un « ambassadeur » auprès des populations locales. « Ambassadeur » dont la mission est de démontrer le caractère écologique du projet puisque – tenez-vous bien – ces plateformes flottantes constitueraient un excellent moyen de surveiller le réchauffement climatique et la montée des océans par l’installation de laboratoires dédiés. Génial ! Quel cynisme ! Ou plutôt quelle auto-intoxication, car je pense hélas que tous ces braves gens croient vraiment faire le bien. Sur son site, The Seasteading Institute affirme vouloir “préserver l’environnement, enrichir les pauvres, guérir les maladies et libérer l’humanité des politiciens”. Rien que ça…

Nous pourrions presque verser une petite larme d’émotion si l’on ne se rappelait pas qu’à l’antithèse de l’enfer mondialisé et métissé qu’ils construisent pour nous, les puissants se bâtissent au soleil un paradis élitiste.

Quand l’argent découpe le monde … Bonne semaine !