Histoire de Paris : le fantôme d’Agnès Hellebic

Histoire de Paris : le fantôme d’Agnès Hellebic

Paris Vox- Redécouvrez les grands monuments de Paris, ses rues,  ainsi que l’Histoire, petite ou grande, de la capitale.


Agnès Hellebic, l’amour défunt de Romuald.

La mort d’Agnès.

A l’un des angles de la rue de la Grande Truanderie et de la rue Pierre-Lescot se situait jadis un puits nommé « puits de l’Ariane » ou situé au « Carrefour de l’Ariane ». Au 13ème siècle, soit au temps de Philippe-Auguste (1165-1223), une jeune fille du nom d’Agnès Hellebic, fille d’un important personnage de la cour, se croyant délaissée par le garçon dont elle était amoureuse, un nommé Romuald, se jeta dans ce puits. Son corps fut déposé dans la fosse commune du cimetière des Innocents. De fait, les suicidés n’avaient pas le droit d’être enterrés en terre consacrée. Mais Romuald, fortement touché et affecté par le geste de désespoir d’Agnès, parvint à convaincre un prêtre d’Armorique (Agnès était de souche bretonne), de venir bénir le puits de l’Ariane. De quelle bénédiction et de quel genre de prêtre (on évoque des « connaissances druidiques »…) s’agissait-il, nous ne le saurons jamais, mais on dit qu’au lendemain de cette cérémonie, Agnès reparut, apparemment vivante, quoique sous une forme légèrement plus éthérée…

Le revenant du puits de l’Ariane.

Le fantôme d’Agnès errait, chaque soir, sur le lieu de ses chastes amours, quant à Romuald, il ne pouvait s’empêcher de venir prier aux mêmes heures sur la margelle du puits de l’Ariane… Aussi se retrouvèrent-ils régulièrement à cet endroit…du moins Romuald le crut-il. Mais un jour, Agnès disparut. Romuald avait-il été le jouet de ses sens ou de quelque démon cruel, ses rencontres avec Agnès n’avaient-ils été que des illusions ? Quoiqu’il en soit, Romuald retrouva un jour sur la margelle du puits, deux enfants, un garçon et une fille, qui avaient été déposés là par un inconnu. Peut-être étaient-ils le fruit d’amours bien peu platoniques de Romuald et du spectre d’Agnès, qui sait ? Ces enfants furent confiés à un couple d’amis qui les élevèrent comme leurs propres enfants.

Les rats d’outre-tombe.

Et les siècles passèrent… En 1558, l’évêque de Paris, Pierre de Gondi, inaugura son ministère en jetant un anathème sur le puits de l’Ariane. Il est dit qu’aussitôt de nombreux habitants du quartier (particulièrement dans le quartier des Halles) disparurent alors que les rats se mirent à pulluler dans Paris ! Selon la légende, ces habitants auraient été les descendants des enfants d’Agnès et de Romuald, nés d’une mère succube, donc, et d’un père mortel, eux-mêmes pouvant être considérés, à ce titre, comme des démons incube (masculin) et succube (féminin). C’est le rituel de l’évêque qui aurait eu pour effet de les changer en rats et les rats de Paris seraient donc les descendants innombrables des amours démoniaques d’Agnès et de Romuald ! On prétend également que lorsque des événements violents surviennent à Paris, ces descendants d’Agnès et de Romuald font leur réapparition sous forme humaine, se mêlent aux manifestants et aux émeutiers et donnent libre-cours à de véritables déchaînements de fureur destructrice ou de rage cruelle, avant de s’évanouir… Le puits, quant à lui, que l’on nommait le « puits d’amour », fut, quatre siècles durant, un lieu de pèlerinage pour les amoureux. Il fut comblé en 1650.

L’arrestation de Babeuf.

C’est au numéro 21 de la rue de la Grande Truanderie, où s’élevait, à la fin du 18ème siècle, une maison qui faisait le coin de la rue Verderet, que l’on arrêta François-Noël Babeuf (1760-1797) et deux de ses amis, Buonarotti et Pellé. Ils furent accusés de conspirer contre la République et faits prisonniers dans une chambre du troisième étage. Ils furent appréhendés par un certain Dossonville, ancien cafetier devenu inspecteur général de la police. Le 10 mai 1797, Babeuf fut embarqué dans une voiture de place qu’entoura aussitôt une solide escorte. Afin de prévenir toute réaction populaire, Dossonville avait fait courir le bruit qu’on venait d’arrêter une bande de criminels et de voleurs, raison pour laquelle la foule, abusée, lança au passage de la voiture des « A mort les voleurs, les assassins ! » vengeurs… Historiquement, Babeuf est le fondateur d’une doctrine sociale nommée « babouvisme », qui semble être le point de départ du socialisme moderne. François-Noël Babeuf fut guillotiné sur la place Vendôme le 8 Prairial an V (=27 mai 1797).

Un mot sur la rue de la Grande Truanderie.

La rue de la Grande Truanderie date du 13e siècle. Particularité notable : l’artère porte le nom de « Grande Truanderie » du côté de ses numéros pairs et de « Petite Truanderie » du côté de ses numéros impairs. Les deux côtés de cette rue appartenaient jadis à deux rues distinctes que séparait un îlot de maisons abattu en 1919. Quant au nom proprement dit de « truanderie », elle provient, selon toute vraisemblance, du fait qu’une cour des miracles voisine était jadis habitée par des truands.

 

Eric TIMMERMANS.

 

Sources : « Connaissance du Vieux Paris », J. Hillairet, Editions Princesse, 1951-1953-1954 p. 101 / « Enigmes, Légendes et Mystères de Paris », Patrick Hemmler, Editions Jean-Paul Gisserot, 2006, p. 15-16 / « Guide de Paris mystérieux », Les Guides noirs, Editions Tchou Princesse, 1979, p. 359-361.