Paris Vox – La presse d’opinion est en France une denrée rare. Surtout celle qui dure depuis de nombreuses années en s’opposant au politiquement correct et à la pensée dominante. Nous avons rencontré l’écrivain et journaliste Francis Bergeron à l’occasion de la sortie de la nouvelle formule du quotidien Présent dont il est l’un des maîtres d’œuvre.
Paris Vox : Pour la rentrée, Présent se présente à ses lecteurs sous de nouveaux atours. Une nouvelle formule audacieuse avec une augmentation de la pagination et un passage au tout couleur… Qu’est-ce qui a motivé cette décision ? Quelles sont les ambitions de cette nouvelle formule?
Francis Bergeron : Il y avait d’abord une opportunité : un changement d’imprimeur, l’évolution technologique. Mais par ailleurs, depuis son lancement, en 1982, Présent avait connu quelques modifications dans la forme, mais aucune révision générale de la maquette. Cette fois, nous avons pris le taureau par les cornes, et opérons une vraie révolution.
D’autre part, avec 4 pages seulement en semaine et 8 pages le samedi, notre quotidien ressemblait un peu à un tract. Qui plus est, pour y faire entrer tout le rédactionnel que nous souhaitions publier, nous présentions une excessive densité de textes, ce qui en altérait la lisibilité. Les photos étaient souvent trop petites, également.
Nous avons donc pris le parti de sortir dorénavant sur 8 pages en semaine, et 16 pages le week-end, dans une version intégralement en couleur. Cela nous permet d’augmenter encore le volume d’articles, et donc d’améliorer l’offre d’informations à nos abonnés et à nos acheteurs au numéro. Et en même temps nous pouvons soigner davantage la présentation des pages, aérer les textes, agrandir les photos et les documents reproduits.
Par là même, nous donnons, je pense, l’image d’une évolution de notre quotidien qui abandonne une forme assez militante et un peu rébarbative au profit d’une formule plus ouverte et « grand public » de presse d’opinion, presse qui reste bien évidemment engagée sur nos valeurs.
PV : Vu de l’extérieur, cette “petite révolution” semble être le signe d’une bonne santé du titre, à la fois financière et éditoriale… Est-ce le cas ? Comment se porte le journal?
FB: Le modèle économique de Présent fonctionne et semble être en mesure d’assurer la pérennité du titre pendant des années. il repose sur un solide noyau d’abonnés à la formule papier, un noyau d’abonnés à la formule dématérialisée qui progresse régulièrement, un volume d’acheteurs en kiosque qui a fortement progressé, poussé certes par l’actualité (le terrorismes islamiste, les élections présidentielles…), et enfin sur les dons.
Comme nos confrères TV Libertés ou Radio Courtoisie, nous faisons en effet régulièrement appel à nos lecteurs pour qu’ils nous apportent un soutien au-delà de l’acte d’achat. Les grands médias vivent de la publicité, voire uniquement de la publicité (les radios et la plupart des chaînes de télévision). Présent ne reçoit pas de publicités. Nous allons essayer – maintenant que nous avons enfin de la place dans nos pages – de vendre un peu d’espaces publicitaires, mais nous ne nous faisons guère d’illusions sur ce plan. Il faut donc compenser ce manque à gagner. Les dons (défiscalisés, grâce à « Presse et pluralisme ») nous permettent de boucler le budget.
Enfin il y a la subvention publique à la presse à faible revenus publicitaires, sachant que nous ne sommes pas, à ce jour, à faibles revenus publicitaires, mais à absence totale de revenus publicitaires.
Ces cinq sources de financement nous ont par exemple permis de terminer l’année 2016 en positif.
Mais – et il y a un mais – nous poussons devant nous, telle une boule de neige, une accumulation de dettes et aussi de risques, que nous avons trouvés dans la corbeille, en 2014, quand la gérance a changé, et qui aurait du logiquement aboutir au dépôt de bilan de la société en juillet 2014.
Cela fait trois ans, maintenant, que les comptes sont à l’équilibre, voire légèrement positifs. Mais du fait de ce passif, notre situation reste fragile. Personne ne s’est proposé, à ce jour, d’opérer une recapitalisation du journal. Nous n’avons pas notre Drahi, notre Niels, notre Dassault, susceptibles d’effacer les dettes cumulées en 2014.
Mais le produit est bon. Le journal s’est fortement professionnalisé. Ce quotidien est unique, sur son créneau, et nous développons de vrais partenariats, de vraies synergies, avec d’autres médias, complémentaires. Plusieurs de nos journalistes sont directeurs d’émissions, sociétaires, chroniqueurs, dans ces medias amis. Et nous-mêmes publions régulièrement leurs programmes. Télévision, radio et presse écrite ne se concurrencent nullement, mais se complètent.
PV : Après deux semaines de présence en kiosque sous cette nouvelle forme, avez-vous déjà des premiers retours, des échos quant à la réception de celle-ci ?
FB: Il est trop tôt pour apprécier si ces changements ont été perçus par notre public potentiel, et si ventes et abonnements progressent significativement. L’accueil de nos lecteurs actuels, lui, a été bon, et je dirais même très enthousiaste. Nous recevons énormément de messages positifs, de la part d’anonymes, mais aussi de personnalités, comme par exemple Jean Raspail, qui a, le premier, tenu à nous apporter son soutien. Nous pensions que, comme tout changement, celui-ci susciterait forcément la critique de certains. Rien ! Uniquement des félicitations ! Bien évidemment il reste des choses à améliorer, mais ce lancement est une réussite.
PV : Quel sont selon vous les autres axes possibles de développement pour le journal?
FB: Je pense qu’il faut que nous augmentions l’effort de communication, que nous approfondissions encore les synergies et les partenariats, que nous développions les actions de marketing et commerciales.
Mais sans doute faut-il aussi réfléchir en termes d’apport de services à nos lecteurs. Nos lecteurs doivent certes trouver chaque jour une information, exacte et décryptée. C’est évidemment notre « cœur de métier ». Mais il faut aussi qu’ils trouvent à Présent plus que cela : une information utile, des services, une approche de « club », développant un sentiment d’appartenance à une communauté, et favorisant les échanges entre les journalistes et leurs lecteurs. Nous devons amorcer toute une réflexion sur cette question.
PV : Pour finir, à l’attention de nos lecteurs qui ne connaîtraient pas ou peu Présent, pouvez-vous nous rappeler quels sont les caractéristiques et les spécificités de ce quotidien?
FB : Présent, quotidien paraissant cinq jours par semaine, du mardi au samedi, est ce que l’on appelle un « quotidien du soir », le dernier « quotidien du soir » avec le journal Le Monde. Il compte donc 8 pages en semaine et 16 pages le week-end, entièrement en couleur. On le trouve en kiosque et sur la toile, et se vend par abonnement.
Sur le fond, je dirais semper idem : Présent est un quotidien qui, depuis sa fondation jusqu’à aujourd’hui, entend défendre et illustrer « la France française ». A une époque où nos élites aiment pratiquer à grande échelle la flagellation de leur pays et le dénigrement de ses valeurs, je pense que Présent doit participer d’un grand mouvement identitaire de réappropriation de la fierté française. Ce qui passe aussi par l’affirmation de l’identité chrétienne de notre pays, et de l’Europe, d’ailleurs. Les racines chrétiennes, spécialement attaquées, actuellement, tant par un islamisme agressif, voire ultraviolent, que par le politiquement correct, font partie des valeurs que nous entendons porter haut et fort, sans esprit de chapelle, avec bienveillance, mais sans naïveté non plus.