Paris Vox – Redécouvrez les grands monuments de Paris ainsi que l’Histoire, petite ou grande, de la capitale.
1.L’église Saint-Jacques-la-Boucherie.
Au centre d’un petit square compris entre l’avenue Victoria et la rue de Rivoli se dresse la tour Saint-Jacques, ultime vestige de l’ancienne église Saint-Jacques-la-Boucherie. Ladite église tenait son nom –ajouté sous le règne de Saint-Louis- de la corporation des bouchers, écorcheurs de bêtes et tanneurs, installés près du Grand Châtelet. Le square Saint-Jacques recouvre aujourd’hui l’église, son parvis et les petites rues qui les entouraient. A l’origine, on avait édifié à cet endroit, à la moitié du 10ème siècle (règne de Lothaire : 954-986), une petite chapelle dédiée à sainte Anne. En 1200, sous le règne de Philippe-Auguste (règne : 1183-1223), elle devint paroisse et fut consacrée à saint Jacques. En 1340 (règne de Philippe VI de Valois : 1328-1350), la chapelle fut rebâtie. Elle sera finalement achevée en 1520 sous le règne de François Ier (1515-1547). Le clocher de l’église Saint-Jacques fut, quant à lui, construit entre 1508 et 1522 (à l’emplacement de l’ancien clocher). Cette tour, dont le nom de l’architecte est inconnu, aurait été financée avec l’argent confisqué aux Juifs (Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris, Henri Sauval, Paris, 1724). L’architecte a délibérément choisi un style gothique qui, au début du 16ème siècle, passait déjà pour archaïque. « L’ancienne église avait son chevet en saillie sur la rue des Arcis (rue Saint-Martin) et son grand portail était parallèle à la partie du boulevard de Sébastopol qui borde la Chambre des Notaires. La tour était à l’extrême droite de ce portail. A son angle nord-ouest, une petite tourelle contenait un escalier à vis de trois cents marches qui permettait d’accéder au sommet où s’élevaient une statue colossale de saint Jacques le Majeur, de quatre mètres de haut, et des effigies du bœuf de saint Luc, de l’aigle de saint Jean et du lion de saint Marc. » (Guide de Paris mystérieux, p.620). Le premier clocher de l’église, attenant au côté nord de celle-ci, était bordé de logettes pour écrivains, d’où le nom de « rue des Ecrivains » donné à une artère qui le longeait (la rue de Rivoli est sur son emplacement). Le portail latéral de l’église, situé du même côté, avait été construit aux frais de Nicolas Flamel qui fut le plus célèbre et le plus populaire des bienfaiteurs de cette église.
2.La Tour Saint-Jacques durant la Révolution.
Lors de la destruction de l’église, en 1797, les voûtes de l’église furent brisées par la chute des plus grosses des douze cloches que les révolutionnaires voulaient faire fondre pour récupérer le bronze destiné à la fabrique de canons. De fait, les révolutionnaires décrochèrent ces cloches en incendiant les charpentes de chêne qui les soutenaient. C’est en application des lois du 29 Fructidor an II (septembre 1794) et du 9 Germinal an V (29 mars 1797), relatives à la vente de propriétés publiques, que l’église Saint-Jacques-la-Boucherie, avec ses dépendances fut vendue puis détruite. Toutefois, le nouveau propriétaire fut séduit par la beauté de la tour, qui dominait tout le quartier du Grand Châtelet, et décida de la conserver intacte. Cette tour fut consacrée à un bien étrange usage : « Le sommet de la tour fut loué à un fabricant de plomb de chasse. La fonderie était installée dans une cabane de bois sur la plate-forme supérieure d’où le plomb en fusion était versé à l’aide de grandes cuillères en fer. Pendant la chute, d’une cinquantaine de mètres, les gouttes de plomb acquéraient une forme sphérique et se solidifiaient au pied de la tour dans de grandes cuves remplies d’eau froide. » (Guide de Paris mystérieux, p. 620).
3.De la Restauration à nos jours.
Par la suite, le sort de la tour Saint-Jacques parut un moment incertain. Mais un dénommé François Arago proposa au préfet de la Seine, M. Rambuteau, de la faire acheter par la ville de Paris. C’est ainsi que le 27 août 1836, les héritiers Dubois cédèrent la tour et le terrain environnant pour la somme de 250.000 francs. La tour était en piteux état en 1852 l’architecte Bally fut donc chargé de sa restauration. Les travaux durèrent six ans (1852-1856), Bally faisant notamment refaire 19 statues de saints destinés à garnir les niches vides, alors que les statues mutilées de saint Jacques et les animaux symboles des quatre évangélistes étaient transférés au musée de Cluny. Des gargouilles furent placées au sommet de la tour. Quelques années plus tard, le baron Haussmann fit percer la rue de Rivoli et le boulevard de Sébastopol. Il fut alors nécessaire de supprimer la butte sur laquelle se dressait la tour pour donner à celle-ci une assise octogonale. Quatorze marches permettent d’accéder à l’ancienne entrée de la tour dont la hauteur se trouve portée à 58 mètres. L’actuelle statue de saint Jacques, installée au sommet de la tour, date du 19ème siècle. Le baron Haussmann fit également ériger une statue de Pascal sous l’arcade vide afin de commémorer les expériences que ce dernier y aurait faites en 1648, sur la pesanteur de l’air, après celles du Puy-de-Dôme. Toutefois, on prétend que ce n’est pas au sommet de la tour de Saint-Jacques-la-Boucherie que Pascal aurait effectué ses expériences, mais bien au sommet de l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas, à l’angle de la rue Saint-Jacques et de la rue de l’Abbé-de-l’Epée.
Eric TIMMERMANS.
Sources : Connaissance du Vieux Paris – Rive Droite, J. Hillairet, Editions Princesse, p. 84-86 / Guide de Paris mystérieux, Les Guides noirs, Editions Tchou Princesse, 1979.