De la morale sans principes …

De la morale sans principes …

Paris Vox (Tribunes) – Nous proposons régulièrement à nos lecteurs la retranscription écrite des chroniques quotidiennes d’Arnaud de Robert sur Radio Libertés.

_________________________________________________________________________________________________________________________________________

Ce sera normalement la première loi du gouvernement Philippe et de la présidence Macron. Je veux parler bien sûr de la fameuse loi sur la moralisation de la vie politique. Et le moins qu’on puisse dire c’est que cette loi est une mauvaise, voire très mauvaise idée, et ce à plusieurs titres.

D’abord tout simplement parce que la communication sur cette future loi arrive en plein milieu d’une avalanche de révélations assez dommageables pour le tout jeune gouvernement. Le Canard enchainé d’abord qui révèle que Richard Ferrand, le fidèle macronien de la première heure, l’âme de la campagne présidentielle, aurait favorisé l’enrichissement de son épouse à hauteur de 500 000 euros et salarié son fils de manière fictive. Puis on apprend par Corinne Lepage que le Garde des Sceaux, François Bayrou himself, aurait eu une secrétaire pendant cinq ans salariée directement sur les fonds européens de Marielle de Sarnez, son adjointe au Modem et elle-même actuellement ministre. Un comble puisque c’est Bayrou qui est spécialement chargé de rédiger cette loi de moralisation. Tout cela sent bon la tartufferie et ressort au mieux d’une faute de communication, au pire d’un vrai plantage gouvernemental en grande pompe. Et cela met Macron dans une position difficile. Soit il est vraiment cohérent avec lui-même et il vire tous ceux qui sont soupçonnés de malversations et ça va créer un vide au gouvernement, soit il ne fait rien et c’est pire. Cruel dilemme insatisfaisant dans toutes ses options.

Ensuite, parce qu’attaquer un quinquennat par une loi de ce type s’apparente à une faute politique. Pourquoi ? Après tout, il y a eu et il y a encore tellement de scandales, on en aurait bien besoin. Oui mais voilà, si les français veulent que cela change, ils veulent d’abord que cela change pour eux et attendent Macron sur des plans structurels et vitaux : le chômage, le terrorisme, l’immigration … Au reste, personne ne croit qu’une loi métamorphoserait l’ensemble des politiques en chevaliers blancs. Non, les français  veulent du concret pour eux, leur avenir, celui de leurs enfants, la continuité d’un mode de vie, la préservation d ‘une culture. C’est vrai qu’ils en ont marre de la corruption politique. Mais sont encore plus fatigués par le marasme économique, la peur des attentats et la pression migratoire. Ils veulent voir du travail, pas des politiques qui travaillent encore pour eux et pour régler leurs comptes propres.

Les français  veulent du concret pour eux, leur avenir, celui de leurs enfants, la continuité d’un mode de vie, la préservation d ‘une culture.

Enfin parce que cette loi n’est pas une loi de résorption de la corruption, des délits d’initiés, et des emplois fictifs en politique, mais une loi de normalisation à l’américaine. Une loi de transparence très formelle qui entre en rupture directe avec la tradition française d’auto-régulation. Cette loi de conformité, véritable point de départ d’une dictature de la transparence que je dénonçais il y a peu à ce micro, ne règle pas le manque d’intégrité des politiques. Elle les oblige seulement à devenir plus malins. Aux Etats-Unis, où il existe une législation assez contraignante et pleinement tournée vers la transparence, il n’y a pas moins de corruption, elle est seulement d’une forme différente. Finalement cette moralisation ne signifie pas autre chose qu’une tentative maladroite de réinstaurer de la morale là où la probité fait défaut. Mais la probité ne résulte pas des lois. La contrainte ne crée pas de la droiture. Elle oblige seulement à donner l’illusion de la droiture, à manifester l’apparence d’une forme de droiture. La vraie probité, l’intégrité incarnée ne peut être que le produit d’une éducation fondée sur des principes intangibles et non sur une morale élastique. Et puis surtout, cette moralisation juridique n’apportera pas plus de compétence aux politiques. On peut être moralement irréprochable et politiquement nul, insipide. Alors, à la morale alibi, à la transparence terne, préférons enseigner et incarner les principes qui ont forgé notre pays et plus largement notre civilisation. Car notre politique c’est celle de l’honneur. Bonne journée !