Paris Vox a le plaisir de proposer à ses lecteurs une sélection des retranscriptions écrites des chroniques d’Arnaud de Robert, diffusées quotidiennement dans la matinale de Radio Libertés.
Les programmes politiques d’Emmanuel Macron et de François Fillon ont cela en commun qu’ils veulent réduire de façon sensible le nombre de communes en France. François Fillon est à ce sujet le plus explicite puisqu’il veut diviser leur nombre par six et faire disparaitre les départements.
Sur la question des départements que je ne traiterai pas ce matin, mon idée diffère peu de celle des deux candidats. Cette entité révolutionnaire, essentiellement fondée sur l’idée de contrôle territorial, peut disparaitre si elle est remplacée par une subdivision similaire mais correspondant à l’identité des terroirs à savoir la notion de « pays ». Mais il en va tout autrement pour les communes. Parce que les 35 000 communes de France sont le fruit d’un héritage millénaire. Parce qu’elles sont les marqueurs géographiques et culturels de l’histoire de notre pays. Parce qu’elles sont enfin les symboles singuliers de notre particularité civilisationnelle. Chacune, de par l’origine de son nom, son blason, son église, son cimetière, ses produits du terroir est témoin de l’extraordinaire richesse patrimoniale d’une France qui s’est construite au travers de la communalité.
les 35 000 communes de France sont le fruit d’un héritage millénaire
Cette communalité intégrative a permis la fusion gallo-romaine, l’absorption des invasions germaniques et l’intégration des immigrés européens. La commune est le berceau de l’identité française. Sa disparition pourrait en faire son tombeau. J’ai déjà évoqué il y a peu à ce micro, la crise profonde que traversent les petites villes de France dont l’avenir est ruiné par la métropolisation. Et bien dans les programmes de Fillon et Macron c’est la même idée qui est à l’œuvre. C’est la même rationalité économique froide de l’énarchie qui préside à l’équarrissage communal. Les communes perdent de l’argent ? Sont de trop petites entités ? Fusionnons-les, regroupons-les ! Fusions-acquisitions, coupes budgétaires, ça Emmanuel Macron s’y entend et Fillon excelle en la matière. Et on traite des pans entiers de l’Histoire de notre pays comme de vulgaires entités économiques.
Tout se sacrifie sur l’autel de la rentabilité. Après avoir pendant quarante ans organisé la désertification rurale, après avoir organisé les circuits financiers qui drainent tout vers les métropoles et les mégapoles, nos chers énarques nous annoncent que les communes, financièrement pesantes ne trouveront de salut que dans le regroupement-fusion. Comme toujours le jeu du pompier-incendiaire et comme toujours le même cynisme oligarchique dans le traitement du quotidien des gens. Voilà bien une pensée de résident des grandes métropoles ou même pire, une vraie traitrise pour Fillon dont la carrière politique est née à Sablé-sur-Sarthe. Et puis, surtout réduire le nombre de communes c’est tuer deux fois la France périphérique. Que ce soit Fillon ou Macron ils veulent tous réduire le nombre de fonctionnaires. Que restera-t-il alors à nos concitoyens quand auront disparu les 475 000 maires et conseillers municipaux de France dont 80% sont bénévoles ? Pour beaucoup de Français le maire et ses adjoints sont le premier recours mais aussi souvent le dernier dans un paysage déserté par les administrations et les services de santé. La France est un pays à forte centralisation politique mais à grande décentralisation communale. Ce remembrement qui fait fortement pensé à celui qu’ont dû subir nos paysans il y a quarante ans, cache mal la volonté de liquider les zones économiquement non viables au profit des axes choisis comme pertinents et profitables. C’est ce sacrifice qu’exige le fameux « vivre-ensemble » qui oblige à regrouper ceux qui n’ont pas choisi de vivre ainsi. Alors, loin de leur programmes technocratiques qui pensent la terre sacrée de mon pays comme autant de lignes budgétaires, j’ai une pensée ce matin pour Beaumont-en-Verdunois Bezonvaux, Cumières-le-Mort-Homme, Fleury-devant-Douaumont, Haumont-près-Samogneux, Louvemont-Côte-du-Poivre, les six communes déclarées « mortes pour la France » après la bataille de Verdun. Et je me rappelle que chaque famille de ce pays a le nom de l’un de ses ancêtres gravé sur le monument aux morts communal de la première guerre mondiale. Et diable les technocrates, vive la commune ! Bon week-end !