Le paradoxe réformiste…

Le paradoxe réformiste…

Paris Vox – Dorénavant, Paris Vox publiera régulièrement la retranscription écrite de la chronique de commentaire d’actualité d’Arnaud de Robert diffusée dans la Matinale de Radio Libertés. Aujourd’hui, notre chroniqueur se penche sur la situation de l’éducation nationale.


 

Pour beaucoup les diverses réformes de l’enseignement aboutissent principalement à l’abaissement du niveau général. C’est un fait avéré aujourd’hui et je vous en ai déjà parlé dans une précédente chronique, nous avons en près de trente ans perdu deux niveaux de classe. Pas de quoi se réjouir de cet effondrement dont on sait qu’il est lié principalement aux menées délirantes des pédagogistes enfants de mai 68 et à un flux migratoire exponentiel.

Mais il y a également au moins deux autres conséquences dont on parle trop peu à mon humble avis.

Et ce décalage entre l’état du marché et les jeunes diplômés sert paradoxalement l’idéologie libérale.

La première est que toutes ces réformes qui simplifient à l’extrême les savoirs quand ils ne les oblitèrent par tout simplement s’accompagnent toujours de mesures fortes garantissant un accès maximum de tous dans tous les cursus. On le voit bien avec le Bac, par exemple, qu’il est devenu difficile de ne pas avoir et qui projette près de 90% d’une classe d’âge dans le supérieur contre moins de 25% il y a 50 ans. Certains (les copains de Nadjet) se réjouissent de cette massification et construisent des théories aussi belles que fausses sur une augmentation, une densification du niveau de culture. Dans cette vision finalement assez mécanique, plus on ouvre les vannes, plus on permet l’accès au savoir plus on enrichit les esprits. Que c’est beau ! Et donc faux. Car l’un des premiers effets  effet de cette massification, si on laisse de côté la perte de qualité des formations et le douloureux problème de tous ceux qui décrochent de leur formation faute de moyens, c’est la surqualification (du moins sur le papier) de générations entières par rapport au marché de l’emploi.  Et ce décalage entre l’état du marché et les jeunes diplômés sert paradoxalement l’idéologie libérale. Prenons une entreprise qui  souhaite recruter un cadre marketing. Elle a devant elle 3 diplômés : un monolingue, un bilingue et un trilingue. Tous trois sont qualifiés pour le poste mais c’est le trilingue qui l’emportera (c’est le plus qualifié) pour le salaire d’un monolingue. L’entreprise se paye donc un salarié surqualifié  à moindre coût, les deux autres candidats devant se rabattre sur des postes sous-qualifiés par rapport à leur formation. Par un effet de cascade simple à imaginer cette surqualification atteint les postes peu ou pas qualifiés, normalement pris par ceux qui n’ont pas de diplômes.  C’est comme cela que l’on crée un chômage de compression. Et c’est comme cela que l’on retrouve des caissières à Leclerc titulaires d’un mastère en sociologie des organisations, ne rigolez pas c’est le cas de ma voisine.Tout cela parce que l’on a refusé toute forme de sélection dans l’enseignement, quelle ironie !

Et c’est comme cela que l’on retrouve des caissières à Leclerc titulaires d’un mastère en sociologie des organisations

La seconde que nous avons tous plus ou moins remarqué est que l’apprentissage des savoirs laisse place à celui du vivre-ensemble.  Et bien on aurait tord de n’y voir là qu’une opération bobo-gaucho, une folle volonté révolutionnaire de « changer le monde ». Car ne plus savoir, moins savoir c’est abandonner à d’autre une autonomie de pensée, c’est devenir un handicapé conceptuel obligé de s’en remettre « à ceux qui savent » et donc de reprendre les mots de « ceux qui définissent le réel ». Or aujourd’hui ce ne sont plus Marx, Lénine ou Jaurès qui bornent ce réel mais le Cac 40, Soros, Goldmann-Sachs, Google et Monsanto. Et pour ces braves gens, l’objectif premier n’est pas l’instauration du socialisme triomphant mais d’une docilité généralisée, la seule compatible avec le business. Que cet apprentissage prenne des tours libertaires ne gêne nullement le Capital, l’individualisme étant propice au consumérisme. Ce qui se joue donc au travers des bouleversements introduits par Najat Belkacem est bien plus qu’un saccage des connaissances, c’est une métamorphose des êtres. Sous cet angle la question d’un enseignement libre de toutes ces contraintes revêt une importance vitale, civilisationnelle. Soyons-en bien conscients à l’heure ou l’on veut obliger la scolarisation de 3 à 18 ans. Bonne journée!