Paris Vox (Tribune) – Le 6 avril dernier, le Conseil d’Etat a tranché en faveur d’une annulation de la circulaire interdisant la dissection au collège et au lycée. La décision a été saluée par le syndicat enseignant SNES-FSU, à l’origine de la saisine du Conseil d’Etat. Le Ministre de l’Education Nationale, Najat Vallaud Belkacem, a déclaré faire confiance aux enseignants pour jouir ou non de leur droit à faire découper des carcasses en classe, ajoutant qu’à titre personnel, elle était favorable à la fin de la dissection au nom de la protection animale. Il est vrai qu’à l’heure où les législations inclinent enfin timidement en faveur du droit des animaux, on en reste pantois…
Par ailleurs, les derniers chiffres publiés sur l’illettrisme des élèves à la sortie du lycée avoisinent les 9%. On s’étonne alors de la pertinence et de la priorité du retour des ateliers de « chirurgiens en herbe ». Pourtant, des enseignants de SVT (Sciences de la Vie et de la Terre), se félicitent de l’initiative en brandissant l’argument des possibles vocations que susciteront ces découvertes du vivant-mort. Des vocations souvent anéanties par le numerus clausus… et ce malgré l’appétence pour la « tripaille » de souris.
L’illusion de la confrontation au réel
Depuis novembre 2014, les élèves étaient privés du droit de tailler dans le vif. Une carence regrettable selon les syndicats pour qui la dissection est une confrontation nécessaire avec le réel… Pourtant, comme le rapporte l’association Antidote Europe, une note confidentielle interne de l’éducation nationale venait à l’encontre de cet argument lors de l’utilisation de lapins. La missive stipulait en effet que « pour limiter le côté affectif, il était recommandé de présenter l’animal comme une pièce de boucherie, décapité et dépecé ». Par ailleurs, si le but du procédé est d’appréhender le fonctionnement du corps, tout comme pour la vivisection, les méthodes substitutives sont légions. Les reproductions virtuelles permettent par exemple une visualisation fidèle de l’organisme. Mieux encore, les modélisations 3D d’animaux rendent possible une manipulation identique à celle avec un véritable animal. Ces méthodes sont d’ailleurs de plus en plus utilisées dans l’enseignement de la médecine vétérinaire et humaine.
Pourtant, certains enseignants insistent en arguant que la dissection permettra aux élèves de mieux « respecter ce qu’ils ont dans leur assiette ». L’argument moral est là. Prendre conscience de la mort d’un animal, qui plus est provoqué par l’homme, offrirait une éthique aux bambins. Pourquoi alors ne pas organiser de voyages scolaires dans les abattoirs français ? Ces abattoirs qui font l’objet d’une commission d’enquête tant le respect des animaux y est bafoué au quotidien. Quoi de mieux comme confrontation au réel ?
Mais c’est inenvisageable bien sûr. Nos têtes blondes ne sont pas prêtes à l’endurer, mieux vaut découper Mickey et lancer des organes à travers la classe pour dédramatiser la mort à laquelle ils sont timidement confrontés. Car la réalité est là. La mort, la vraie, a disparu de nos sociétés. Elle est partout mais finalement nulle part. La télévision montre son lot de cadavres sur les plages, sur le front syrien, mais nul ne se confronte à la mort. Cette mort réelle, naturelle, sale et morne, qui emporte tout.
Longtemps, nos vieux mouraient chez eux et l’on venait honorer leur mémoire le temps de derniers au revoir respectueux pendant les veillées. Désormais, ils se meurent loin de nos regards distancés, dans la froideur des hospices, entre respirateur et dernière injection létale au jour dit. Pour pallier ce vide, nos enseignants se tournent vers la grenouille ou le rongeur gisants. Un écran de fumée aussi formateur que la rencontre avec un pigeon battu par un revers de pare-choc sur le bord des routes.
Elise Blaise, rédacteur en chef de l’information à Tv Libertés