Paris Vox – Emplis de bonnes intentions et d’espoirs, un certain nombre de parisiens se sont encore réunis hier soir, lundi 11 avril, place de la République pour la désormais fameuse “nuit debout”. Après une confiscation du matériel sono par la police, que récupéreront pacifiquement les manifestants quelques instants plus tard, l’assemblée générale s’installe très courtoisement. On ré-explique brièvement pour les néophytes les règles de prise de paroles, d’encouragement, de contestation etc… (Qui sont un ensemble de signes assez proches du langage sourd muet). Plus tard dans la nuit, quelques prises de paroles plus franches et alcoolisées se feront entendre mais dans l’ensemble l’assemblée reste sage et “disciplinée”. Celui qui veut intervenir en public s’inscrit sur un stand et attend son tour… Chaque interlocuteur ne peut parler qu’en son nom et pas au nom d’un syndicat ou d’un parti par exemple. Ce soir seront votés (à main levée) des sujets tels que: “les slogans officiels”, “l’hymne de la nuit debout” ou encore: “comment sensibiliser la classe ouvrière a leur cause”, des messages de soutien et des partages d’expériences personnelles ponctuent les votes. Quand on discute avec les participants et “organisateurs” (majoritairement des étudiants, des chômeurs, “artistes” trentenaires et des retraités…) tous évoqueront le film “Merci Patron” de François Ruffin qui est une sorte d’œuvre fondatrice de leur mouvement ainsi que la “marche des indignés”. On comprend donc facilement leur fascination pour les mouvements ATTAC, PODEMOS et associés. Au fil des conversations et des intervenants, il apparait vite qu’hormis quelques subtiles différences de point de vue: le paysage politique français n’y est objectivement pas représenté. A l’évocation de cette absence de “diversité” politique, la gêne et l’embarras se font vite sentir… Et quand on évoque l’absence totale de représentants de la classe prolétaire, on vous explique le plus naturellement du monde qu’ils “devraient” déposer des ordres de grèves pour venir les rejoindre. Si on fait remarquer que la classe ouvrière est désormais majoritairement liée à des partis comme le FN au vu des élections, on vous rétorque que ce n’est valable uniquement pour les votants. En creusant sur ce point tous maintiendront (malgré quelques grimaces) que toutes les tendances politiques peuvent prendre le micro, ce qui semble vrai. Mais dans l’ensemble il apparait vite que ces manifestants sont majoritairement des électeurs du PS déçus, qui veulent une revanche sur cette “désillusion”.
Les forces de l’ordre présentes sur la place se font très discrètes afin d’éviter les « provocations ». Ils concéderont à demi-mots ne pas comprendre le gouvernement sur l’autorisation de tels rassemblements en pleine période d’état d’urgence. D’autres policiers et CRS ajouteront également être “surpris” des techniques “très professionnelles” de guérilla urbaine qu’ont employés certains individus dans les quelques dérapages en marge de la “nuit debout” et surtout lors des manifestations étudiantes contre la loi El Khomri. Quand on leur fait remarquer qu’ils sont clairement en sous-nombre si les choses dégénèrent, des sourires embarrassés s’affichent face à cette évidence.
Si les motivations de cette “nuit debout” peuvent sembler légitimes, on peut s’étonner que ce soient des non actifs qui “décident” de la vie des futurs salariés. Néanmoins concédons-le: la démarche est très intéressante et ne manque pas d’un certain « charme » dans le climat d’aboulie complet dans lequel se complaisent la plupart des français. N’oublions pas que des philosophes tels Aristote considéraient comme “barbare” une ville sans agora. Un bémol toutefois : le propre de l’agora était qu’on pouvait y croiser et donc débattre avec “n’importe qui”, il serait donc “judicieux” que d’autres tendances et points de vues s’y confrontent, courtoisement si possible.
Noël Prunier