Paris Vox – Anne Hidalgo était présente devant le Conseil Municipal de Kiev ce jeudi 9 février. A l’occasion de cette présence, le Maire de Paris a prononcé un discours que nous retranscrivons ci-dessous.
Dans ce discours, l’édile réaffirme son soutien au peuple ukrainien en parlant de ses origines personnelles. Elle indique également que la capitale française reste et restera aux côtés de la capitale ukrainienne aujourd’hui et demain.
Cher Vitali KLITSCHKO,
Chers membres du Conseil municipal de Kyiv,
Chers amis,
Je suis très honorée mais aussi très émue d’être devant vous ce matin.
Je veux me présenter avec une grande humilité et vous témoigner, au nom des Parisiennes et des Parisiens, notre solidarité. Le pacte d’amitié qui nous lie est solide comme un chêne.
Le peuple ukrainien est grand dans sa résistance.
Nous observons depuis plus d’un an, médusés, l’agression d’un peuple par son voisin belliqueux. C’est le retour de la guerre en Europe, une guerre injuste, une guerre effroyablement meurtrière, une guerre criminelle. Pas une femme, pas un homme de ma génération n’aurait imaginé revoir celaun jour dans sa vie.
Je suis la fille d’un refugié espagnol qui a fui avec ses parents la guerre civile.
Je sais, par le sang et par l’esprit, le prix du combat lorsqu’il oppose des démocrates à un pouvoir autoritaire. Un pouvoir autoritaire, sanguinaire, pour qui la vie n’a aucune valeur et la liberté n’existe pas.
Je veux le dire avec émotion et admiration : vous êtes les sentinelles de l’Europe.
Les sentinelles face à la guerre, face aux mensonges les plus éhontés, face aux falsifications de l’Histoire, face au mépris cynique et criminel de la vie et du droit.
Vous êtes les sentinelles de la paix.
Ce matin, devant vous et au nom des Parisiennes et des Parisiens, je souhaite rendre hommage à tous les soldats ukrainiens qui sont morts, aux blessés, aux mutilés, à toutes ces vies et ces destins brisés par la folie d’un homme. Je veux saluer la résistance héroïque de tout un peuple, de toute une nation derrière son Président, Volodimir Zelensky. Je veux saluer la résistance de toutes les villes, dont certaines ont subi le martyre, derrière leurs maires.
Oui, c’est en violation de toutes les règles sur lesquelles s’est bâtie la communauté internationale depuis des décennies, que les forces russes et leurs dirigeants criminels attaquent votre sol et votre peuple.
Ils méprisent les droits humains et le respect de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Dans ce contexte si difficile, je voudrais remercier du fond du cœur Vitali Klitschko et la ville de Kyiv, de m’avoir invitée à prendre la parole devant votre conseil municipal pour vous assurer à nouveau l’amitié de Paris pour Kyiv et pourl’Ukraine.
Dès le premier jour de cette guerre, les Parisiennes et les Parisiens ont voulu aider. Ils ont fait preuve d’une grande et belle solidarité en vous adressant ce qu’ils pouvaient offrir : des couvertures, des vivres, des produits de première nécessité, des équipements médicaux.
Je tiens à saluer devant vous Philippe Goujon, le maire du 15ème arrondissement de notre belle ville qui m’accompagne et qui a organisé de nombreux convois pour l’Ukraine.
Nous sommes fiers aussi d’avoir accueilli nombre de vos concitoyennes et de vos concitoyens qui ne pouvaient rester en Ukraine. Les Parisiennes et les Parisiens ont manifesté contre l’agression, se sont mobilisés pour les accueillir dignement et continuent de le faire. C’est notre devoir de citoyens, de démocrates et d’Européens. Vous pouvez aujourd’hui comme demain compter sur Paris.
C’est la seconde fois que je viens à Kyiv.
En avril dernier, je suis venue remettre à la ville de Kyiv la citoyenneté d’honneur que le Conseil municipal de Paris avait souhaité, à l’unanimité, lui décerner.
À cette occasion, j’ai traversé une ville sous le choc d’une occupation de ses faubourgs. Une occupation intolérable qui, chaque jour, menaçait votre liberté, asservissait vos compatriotes, détruisait vos quartiers et massacrait vos concitoyens. Je m’étais rendue à Irpine, à Boucha et à Borodyanka. J’y avais vu les preuves irréfutables d’une barbarie que l’on espérait ne plus jamais voir fouler le sol européen après la Seconde Guerre Mondiale et le conflit en ex-Yougoslavie.
Malheureusement, la guerre est un monstre qui renaît sans cesse pour ébranler les fondations de la paix, attaquer la vérité, la justice et la démocratie.
Cet automne, nous avons poursuivi nos échanges. Nous avons reçu à Paris une délégation d’élus ukrainiens venus partager avec nous leur peur de ne pouvoir assurer la protection de leurs concitoyennes et de leurs concitoyens face à la pénurie d’énergie, de chauffage, d’électricité et d’eau. Paris, comme de nombreuses autres villes françaises, dans un même élan qui dépasse les clivages politiques, a répondu à nouveau présente. Comme nous l’avions annoncé, je viens aujourd’hui avec une dizaine de générateurs électriques.
Avec cette aide, nous voulons marquer notre solidarité dans la durée. Nous n’en resterons pas là.
Ce matin, j’ai traversé une ville qui se tenait debout. Kyiv résiste. Comme l’ensemble de l’Ukraine.
Elle résiste malgré le froid, malgré les bombardements, malgré les privations, malgré ses morts qu’elle pleure et que nous pleurons avec vous et devant lesquels je m’incline.
Je veux le dire très solennellement : les citoyens européens, les citoyens français, les citoyens parisiens seront à vos côtés jusqu’à la victoire.
Dans un an, nous accueillerons à Paris, les Jeux olympiques et paralympiques.
Vous vous êtes légitimement interrogés sur l’accueil que pourrait réserver la ville hôte à des athlètes citoyens d’un pays qui conduit contre votre population les pires crimes de guerre. Nous vous comprenons.
C’est pourquoi je veux vous dire ma pensée profonde et ma volonté : tant que les forces russes continueront à vous bombarder, à cibler vos populations civiles et vos infrastructures, tant que des soldats russes occuperont votre territoire, je ne souhaite pas que des athlètes russes participent aux épreuves sportives.
C’est ma conviction de Maire, de responsable politique, d’Européenne convaincue. Je ne doute pas que le Comité international olympique saura faire sienne cette position.
J’aimerais conclure en évoquant un moment particulier de l’histoire de ma ville.
Le 27 mai 1943 se tenait, dans un Paris occupé par les nazis, la première réunion du Conseil national de la résistance. Il avait pour objectif, en même temps qu’il coordonnait les actions immédiates des différents réseaux de Résistance, d’élaborer le programme politique, économique, sociale pour la France libérée. Bref, de préparer la paix.
Je sais que la reconstruction, de votre ville et de la paix, guide votre action au quotidien dans les réponses que vous actez face aux urgences qui sont les vôtres.
Préparer l’avenir, c’est déjà le faire advenir. Imaginer la reconstruction c’est déjà faire reculer la guerre.
Paris est à vos coté en temps de guerre. Elle le sera aussi en temps de paix retrouvée pour vous aider à reconstruire Kyiv, enfin libre !
Longue vie à Kyiv ! Gloire à l’Ukraine, Slava Ukraini !