Paris, capitale innovante

Paris, capitale innovante

Paris Vox – Dans le sillage du futur réseau de transport collectif du Grand-Paris Express, la capitale française ne cesse de se réinventer. Et de réinventer la ville, tout simplement. À travers la digitalisation et les projets innovants, Paris expérimente une vaste gamme d’approches inédites, et ouvre la voie vers le zéro carbone.

Paris n’est pas que la plus belle ville du monde. Elle fait aussi partie des villes les plus dynamiques et des plus innovantes au monde, selon le classement Finom : classée 8e dans le Top100, elle n’est devancée en Europe que par Londres (4e) et par les incontournables cités américaines (San Francisco ou New York) et asiatiques (Tokyo ou Shanghai). Et les années à venir pourraient bien permettre à la capitale française de gravir encore des échelons dans ce classement. Car sur le terrain, Paris est bel et bien en train de vivre plusieurs révolutions technologiques et organisationnelles, sans commune mesure.

Le GPE, locomotive à plus d’un titre

La région parisienne est en pleine mutation : le Grand-Paris, avec son futur réseau de transport collectif baptisé Grand-Paris Express (GPE), en est l’exemple le plus parlant. Le plus grand chantier d’Europe – et certainement le chantier du siècle en France – fait intervenir de nombreux savoir-faire et a également engendré de nombreuses innovations, toutes liées au développement durable. C’est en particulier le cas dans le secteur du BTP, toutes les grandes entreprises françaises étant impliquées. « En 2019-2020, nous avons par exemple développé le béton fibré [ndlr : qui réduit par deux la quantité d’acier utilisée] dans le cadre du GPE, avance Christian Clergue, à l’époque directeur du département Innovation Représentation Matériaux chez Eiffage Génie Civil. Nous avons réussi à faire valider ce béton fibré en production industrielle et en mise en application. C’est un sujet important car il n’existait pas de canevas spécifique pour cette technique et pour l’application aux voussoirs destinés aux tunnels. C’était une première en France. » La stratégie d’Eiffage s’articule désormais autour du bas carbone, de l’écoconception et de la préservation de la biodiversité : « Notre plan stratégique s’articule en trois points : la transition écologique, l’innovation et la transition digitale, détaille Valérie David, directrice développement durable et innovation transverse. Nous devons être proactifs en la matière car nos métiers ont un impact sur le territoire et l’urgence climatique nécessite d’agir ici et maintenant, et de réduire les émissions sur toute la chaîne de valeur. Le BTP est en train de muter. »

Dans le sillage de l’écoconception et de la réalisation des grands travaux, les nouveaux pôles urbains sortent actuellement de terre autour des 68 nouvelles gares du GPE et joueront leur rôle dans le rééquilibrage territorial de la région. Dans cette optique, de nombreuses entreprises ont dégainé leurs idées novatrices ou se sont appuyés sur des start-ups florissantes. Également impliquée dans le GPE, Demathieu Bard a ainsi développé l’économie circulaire autour de ses activités grâce à la start-up Cycle Up, pour le réemploi des matériaux de déconstruction, y compris dans ses zones hyper touristiques. « Nous avons adhéré au programme CircoLab, explique Jonathan Chemouil, directeur de l’innovation technique du groupe, dont nous avons obtenu le label dédié aux ‘opérations pilotes’ avec la restructuration lourde tous corps d’état à Paris de l’immeuble de bureaux et commerces au 100, avenue des Champs-Elysées, livrée en février dernier. » L’entreprise est aussi partie prenante de la construction du village des médias pour les Jeux olympiques de 2024 pour lequel elle expérimente la mixité bois-béton.

La ville nouvelle, plus « intelligente »

La ville de demain sera aussi intelligente. Promise depuis l’an 2000, la « smart city » est en train de prendre tout son sens. Cette « intelligence » s’appuie principalement sur la digitalisation de nombreux services et fonctions, dans un double but : donner toute leur place aux habitants et décarboner le plus possible l’activité humaine sachant que, d’ici 2050, 70% de la population vivra en zones urbaines. La France s’étant engagée à atteindre la neutralité carbone en 2050, l’objectif de décarbonation est devenu l’alpha et l’oméga pour les pouvoirs publics comme pour le monde de l’entreprise. Il n’y a donc plus d’autres alternatives : le digital doit jouer à plein son rôle. « Le secteur du numérique représente 3% du total des émissions de gaz à effet de serre (GES), souligne Prune Esquerre, responsable de la communauté Numérique et transition environnementale chez Idate Digiworld. Avec l’IT for Green, c’est l’inverse : c’est le digital qui va aider à décarboner les villes. Nous allons devoir passer de 10 tonnes d’émissions par personne à 6 en 2030 et 2 en 2050. » L’It for Green promet en effet de nouvelles organisations pour les entreprises du territoire francilien avec, comme objectif nº1, la réduction de la consommation d’énergie.

Cette intelligence digitale au service de la préservation de l’environnement se traduira de manière transverse, en particulier grâce aux télécommunications. Tous les grands opérateurs français développent ce que seront les réseaux de demain basés sur la 5G qui consomme huit fois moins d’énergie que la 4G. Selon Emmanuel Pugliesi, PDG de SFR Business, la 5G est un « levier pour développer la ville intelligente en obtenant un meilleur contrôle du trafic avec le déploiement de capteurs pour mesurer le dioxyde d’azote ». Les utilisations de la digitalisation sont légion, et promettent encore de nombreux développements. « Dans cinq ans, les jumeaux virtuels, les robots et l’intelligence artificielle se développeront rapidement, assure Franck Bouétard, PDG d’Ericsson France. En France, une partie des industriels auront automatisé 90% de leurs processus dans dix ans. »

Si elle attise encore quelques fantasmes, l’intelligence artificielle est à elle seule une source inépuisable d’innovations pour la vie urbaine. De nombreuses start-ups travaillent en ce sens. Tactis, un cabinet de conseil en aménagement numérique, est par exemple convaincu que la digitalisation permettra de « construire une infrastructure transversale et mutualisée qui aura pour but de désiloter la connectivité du territoire », comme l’explique Benjamin Fradelle, directeur associé chez Tactis. Cette connectivité s’appuiera sur tous les réseaux existants, filaires, optiques ou hertziens, grâce à des capteurs et des objets connectés via des data centers. Les applications de cette connectivité sont nombreuses, surtout dans le domaine de l’éclairage public et de la signalisation lumineuse. En novembre dernier par exemple, Citelum (groupe EDF) et Eiffage Énergie Systèmes ont signé un contrat de 10 ans de 700 millions d’euros avec l’agglomération parisienne pour le renouvellement des sources lumineuses (technologie LED), mais surtout pour leur pilotage. Et, à destination du grand public, ces grands groupes proposent également des solutions pour mieux vivre la ville de demain, comme l’application PhosphoreCity : les utilisateurs peuvent y découvrir les grandes orientations des aménagements durables ainsi que des astuces pour mieux adapter leurs usages à l’écomobilité et aux économies d’énergie.

La logistique des villes

Dans cet espace urbain repensé, la logistique jouera également un très grand rôle. Là aussi, les entrepreneurs français jouent des coudes, les projets se développent, pour le transport de marchandises par exemple. Selon l’association APUR (Atelier parisien d’urbanisme), « la logistique, indispensable au fonctionnement de la ville, est un secteur en pleine évolution et s’inscrivant au cœur des enjeux actuels : développement de l’e-commerce, raréfaction du foncier en zone dense, réduction de l’impact environnemental du transport de biens et de marchandises et report modal. L’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 représente un défi logistique sans comparaison qui doit s’intégrer dans ce contexte et dans une métropole habitée et active ». L’APUR propose plusieurs pistes de travail, comme le stockage mobile et temporaire, les reports modaux vers le fluvial et le ferroviaire, ou la cyclo-logistique pour le dernier kilomètre. Certains travaillent même à la logistique par drone, comme le groupe Hardis qui développe, conjointement avec les deux start-ups Squadrone System et Darwin Drones, son drone inventoriste Eyesee.

Du chantier du siècle du Grand-Paris Express aux nouvelles technologies pour le secteur des services en passant par les JO de 2024, Paris – qui avait été désignée « Capitale de l’innovation » en 2017 – et sa région sont en train de faire peau neuve. Sur un air de science-fiction, la vie des Franciliens va bel et bien changer dans les dix prochaines années.