De l’autodétermination des peuples…

De l’autodétermination des peuples…

Paris Vox – (Tribunes) Le drame qui se JOUE en Ukraine permet de revenir sur certains points de géopolitique.

Le conflit autour de l’Ukraine aura au moins eu le mérite, même si ce n’est pas une découverte, de montrer à quel point le débat idéologique entre les tenants de l’appartenance historique d’un territoire et ceux de l’appartenance identitaire devient secondaire face au pragmatisme des luttes d’influence.

Les provinces de Lougansk et de Donetsk sont indéniablement russophiles et le droit à leur autodétermination devrait pour le moins être respecté comme l’a été celui du Kosovo. On ne peut pas être pour l’un et contre l’autre. L’intangibilité des frontières de 1945 (déjà moultes fois mise à mal) a débouché sur la création d’états sans identité, sans unité ethnique, religieuse ou politique. Si cela est surtout vrai de l’Afrique, c’est aussi le cas de l’Ukraine. Lviv était polonais il y a quatre-vingt ans tandis que Donetsk a toujours été russophone. Pour autant, doit-on verser dans l’idolâtrie poutinienne, rien n’est moins sûr, si la défense du peuple russe qu’il promeut mérite notre admiration, l’ardeur qu’il met à défendre les deux républiques sécessionnistes contraste avec la façon dont il traite les revendications autonomistes au Daghestan ou en Ingouchie sans parler du soutien qu’il apporte au malade mental Khadirov en Tchétchénie.

Nous savons tous quelle serait sa réaction si l’Ossétie du Nord demandait à rejoindre l’Ossétie du sud qu’il a pourtant lui-même reconnu (hypothèse purement théorique bien évidemment). D’ailleurs les russes ne se sont jamais gênés tout au long de leur histoire pour épurer ethniquement les régions qu’ils se sont appropriés de la Carélie à l’Abkhazie en passant par la Transnistrie ou Königsberg par exemple. Et entre nous, la Russie n’est pas moins une construction que l’Ukraine quand on considère que les Tchoutchkes ou les Nenets seraient russes. L’autodétermination des peuples reste donc un vain mot que l’on décidera de concéder à un peuple selon qu’il s’oppose à un allié ou pas. Le Kosovo et les républiques sécessionnistes d’Ukraine, mais aussi le Sahara occidental, la Catalogne, le Cabinda, l’Irian Jaya, la Nouvelle-Calédonie ou le Tibet (et la liste est bien sûr très loin d’être exhaustive) doivent être traités de la même façon si l’on veut faire preuve d’honnêteté intellectuelle.

Pierre Pillerault