Paris Vox – Ce premier roman de Thomas Clavel, publié par les éditions de la Nouvelle librairie, est sans aucun doute le grand livre de la « France d’après ». D’après la loi Avia, d’après « Black Lives Matter »…
Oeuvre d’anticipation se situant dans un futur très (trop !) proche, « Un traître mot » est une évocation aussi brillante que glaçante d’une modernité post-démocratique où les délits sémantiques – les atteintes au politiquement correct et à sa novlangue – sont devenus plus graves que les actes concrets, les violences physiques ou les crimes de sang.
Dans un style vif et élégant, Thomas Clavel nous narre les mésaventures de Maxence, un jeune professeur de littérature, que quelques mots « discriminants » prononcés au téléphone sous le coup de l’énervement vont entraîner dans une spirale de répression et de condamnations qui va le conduire jusqu’au cachot. Une prison où il rencontre d’autres déviants dans son genre, français jusque-là honnêtes et sans histoires, plongés soudainement dans les affres de la réprobation sociale, de l’exclusion et l’enfermement pour « fautes de langage », propos inconsidérés « offensant » telle ou telle minorité désormais divinisée. Entre ateliers de rééducation, résistance et résignation, on s’attache très vite intimement à ces nouveaux « pénitents » que l’on accompagne jour après jour dans cet univers cruel et absurde avec autant de souffrance que de colère.
Une lecture aussi stimulante qu’angoissante tant elle paraît étrangement réaliste, tout ce qui aurait pu sembler il y a encore quelques années « exagéré » ou « excessif » étant devenu possible sinon même « probable » en nos temps d’accélération de la censure et de prégnance toujours plus importante de la « vigilance » bien-pensante.
« Un traître mot » est le « 1984 » de notre post-modernité.
Xavier Eman
« Un traître mot », de Thomas Clavel, Editions La Nouvelle Librairie, 2020, 228 pages, 14,90 euros. A commander ICI
