L’appel aux grands quotidiens du journal Présent

L’appel aux grands quotidiens du journal Présent

Paris Vox – Les attaques se multiplient contre la presse indépendante et patriote. Alors que notre rédaction alertait récemment ses lecteurs sur le risque de dé-publication de Paris Vox sur Facebook, le quotidien Présent est aujourd’hui également menacé. Le quotidien vient en effet d’apprendre qu’il n’était plus éligible aux aides à la presse. Face à cette situation, Samuel Martin en appelle à ses confrères.

“Présent” privé d’aides publiques en 2019

Lettre ouverte à nos confrères quotidiens

 Chères La CroixL’OpinionLibéL’Huma,

Chers FigaroLe MondeLe ParisienLes Echos,

Comme vous l’avez lu dans notre édition du 5 novembre, Présent n’est pas éligible en 2019 aux aides à la presse quotidienne. Les raisons sont opaques, les explications alambiquées, et la notification qui nous en a été faite assez tardive pour déstabiliser un budget fragile et faire disparaître Présent dans les semaines qui viennent. Vous ne serez plus que huit quotidiens en France. Nous ne pouvons croire un instant que cela vous réjouisse, car nous connaissons votre attachement au pluralisme de la presse. « C’est toujours une mauvaise nouvelle que la disparition d’un quotidien. Celle de La Tribune ne fait pas exception », écrivait Xavier Ternisien du Monde en février 2012. « Et maintenant, comment assurer le pluralisme de la presse ? », se demandait Patrick Apel-Muller, directeur de la rédaction de L’Humanité, en février 2015.

A ce souci qui vous anime de défendre le pluralisme des opinions et la diversité des sources d’information, s’ajoute celui de la justice sociale. Les aides publiques dont bénéficient les neuf quotidiens ne sont pas égales en volumes.

Ainsi, en 2016 (nous arrondissons) :

— Libération a touché 6 376 000 euros ;

— Le Figaro, 5 778 000 euros ;

— Le Monde, 5 089 000 euros ;

— La Croix, 4 340 700 euros ;

— L’Humanité, 3 690 000 euros ;

— Le Parisien, 1 200 400 euros ;

— Les Echos, 896 500 euros ;

— L’Opinion, 338 000 euros.

Et Présent ? Présent, en 2016, a touché 254 000 euros d’aides. Nous en attendions environ 140 000 cette année.

Nous nous arrangeons de l’iniquité du système qui veut que des aides soient distribuées à des journaux qui bénéficient déjà de solides appuis capitalistes (Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Daniel Kretinsky pour Le Monde ; Patrick Drahi pour Libération) comme à des journaux qui n’en ont aucun (Présent).

Nous nous arrangeons de l’iniquité du système qui ne fait pas de détails : quoi de commun entre la pagination du Figaro et celle de Présent ? Et il faudrait que notre prix de vente au numéro soit dans la même fourchette ? De même pour la publicité : nous sommes neuf quotidiens à faibles ressources publicitaires, c’est-à-dire des quotidiens dont les recettes de publicité représentent moins de 25 % de leurs recettes totales. Dans les années 2015, la publicité représentait 10 à 15 % du chiffre d’affaires de Libération. Quoi de commun avec Présent, dont la publicité doit représenter, en arrondissant au chiffre supérieur… 0,1 % du chiffre d’affaires ?

Nous nous arrangeons de l’iniquité du système qui verse la subvention par tranches tout au long de l’année à certains quotidiens alors que Présent ne la recevait in extremis que dans les derniers jours de décembre malgré ses demandes réitérées d’obtenir un acompte.

Mais nous ne nous accommodons pas de l’iniquité du système dès lors qu’au lieu d’aider – en refusant son aide –, il condamne à la mort financière le plus petit de ceux auxquels il est censé prêter assistance. Cette injustice peut-elle rencontrer l’indifférence des plus gros, vous les huit autres quotidiens ? Quand on pense que L’Humanité a vu ses dettes effacées en 2013 (4 millions d’euros), quand on pense aux innombrables soutiens que ce même journal a reçus en 2019… « Artistes, intellectuels, pas forcément de gauche, de nombreuses personnalités veulent aider le journal placé en redressement judiciaire et à la recherche de fonds », relayait Le Parisien le 8 février 2019. Eh bien, nous attendons les artistes, les intellectuels, les personnalités « pas forcément de droite » qui vont aider Présent dans un identique mouvement de solidarité.

Nous vous demandons donc, chères La CroixL’OpinionLibéL’Huma, chers FigaroLe MondeLe ParisienLes Echos, au nom du pluralisme de la presse et de la justice sociale, de faire connaître à vos lecteurs le risque imminent de mort journalistique du quotidien Présent et d’appeler à le soutenir.

Nous vous suggérons de verser à Présent une partie de votre subvention 2019. Combler les aides publiques que Présent ne recevra pas cette année, c’est (pour cinq d’entre vous) puiser très petitement dans les vôtres. Cette goutte d’eau est vitale pour nous. Nous ne pouvons penser un instant que des raisons idéologiques vous empêcheraient de faire ce geste, auquel nous donnerons toute la publicité requise – ou que nous couvrirons de la confidentialité la plus absolue, si tel est votre souhait. •

Samuel Martin – Rédacteur en chef