Paris Vox – Nous publions ici l’éditorial du quotidien Présent, rédigé par Francis Bergeron, qui évoque l’Archevêque de Paris, Monseigneur Aupetit.
Ancien médecin, ordonné prêtre tardivement, monseigneur Michel Aupetit, archevêque de Paris depuis 2017, s’est trouvé une fois de plus devant le devant de la scène. Il avait concentré sur lui les médias lors de l’incendie de Notre-Dame. Lundi, c’est pour la messe d’enterrement de Chirac qu’il est monté au créneau, au nom de l’Eglise. Un exercice difficile, dont il s’est bien sorti, comme il avait su le faire, déjà, en avril, sur les tristes images de notre cathédrale en feu.
Son sermon a été jugé plutôt gentil pour le défunt, ne s’étendant guère sur les points qui pouvaient fâcher. Mais il y avait un double risque, aussi, qu’il a su éviter : celui du panégyrique, ce qui, concernant un homme dont la présidence avait été pour le moins controversée, n’aurait pas été de mise (nous y avons déjà droit à haute dose ces derniers jours, dans tous les médias). Et celui du discours purement spirituel, sans guère d’allusions à la carrière du personnage, alors que la solennité de l’événement trouvait précisément sa source dans cette dimension politique.
Monseigneur Aupetit a donc pris la parole devant un parterre de 1 900 notables, parmi lesquels les chrétiens pratiquants, et même les chrétiens tout court, n’étaient sans doute pas légion. Chacun a pu le constater lors de la communion, même si la télévision a un peu escamoté ce moment. Mais au fond, pour communier, il faut être en état de grâce. Compte tenu de la densité de maçons et d’athées au mètre carré, dans la nef de Saint-Sulpice, il était souhaitable qu’ils ne communient pas, ce qui était une forme de respect.
Ceux de nos prêtres, toujours partants pour célébrer des baptêmes et des mariages, mais qui délèguent systématiquement les enterrements à des animateurs de paroisses, dans le cadre d’« assemblées en l’absence de prêtres », font une grave erreur : les messes d’enterrement sont des moments privilégiés pour parler de Dieu et de la foi en la résurrection. Une assemblée comme celle de lundi à l’église Saint-Sulpice (faute de disposer de Notre-Dame) a permis à monseigneur Aupetit de faire réfléchir les 1 900 participants à l’office, mais aussi les milliers de personnes présentes sur la place Saint-Sulpice, et les millions d’auditeurs et de téléspectateurs, sur le sens de notre passage sur terre, sur ces paroles de l’Ecclésiaste : Vanitas vanitatum et omnia vanitas. Le fait que soit enterré un ancien chef d’Etat, devant un parterre d’anciens chefs d’Etat, forçait à cette méditation. De ce point de vue, le sermon de monseigneur Aupetit fut concis (l’Elysée avait exigé que la cérémonie ne dépasse pas une heure) et digne. Sa parole, que Le Parisien qualifie assez injustement de « monocorde », avait le poids de celle d’un Lustiger et d’autres grandes figures de l’Eglise.
Le bilan de Chirac, on le sait, fut plus que médiocre, son second mandat en particulier fut entaché de renoncements et marqué par un immobilisme déconcertant. Mais grâce à monseigneur Aupetit, grâce à la maîtrise de Notre-Dame, grâce au Requiem de Gabriel Fauré (Fauré avait été maître de chœur à Saint-Sulpice, curieux hasard), Jacques Chirac a réussi sa sortie, en quelque sorte. Car, comme pour Johnny Hallyday, dans un autre registre, bien entendu, à une époque où l’Eglise catholique est littéralement chassée du domaine public par de vigilants censeurs, la mort de Jacques Chirac l’a spectaculairement réintroduite, par la messe, et par la voix de monseigneur Aupetit. •
Francis Bergeron
Le quotidien Présent est disponible en kiosque. On peut également s’abonner ou accéder à la version numérique du journal en suivant ce lien.