Paris Vox (Tribune) – Il gronde un ronron chez les journalistes. Comme un air de déjà-vu. Le monde médiatique s’emballe. Les mêmes qui vénéraient hier, crachent au visage le lendemain. La belle république en action se prend les pieds dans les tapis. Comme du temps de Fillon et de ses vestons. Un homme de confiance, un intime du président Macron, un super super flic (sans la vraie carte ou les nécessaires qualifications) de moins de 30 ans, pris en flag de caresses un peu fermes sur de jeunes gauchistes en mal de révolution par vidéo interposée… Quand ce très « pacificateur » président veut jouer les blancs-bleus et s’affiche avec ce genre de compère, ça la fout mal. Mais la cause de ce grand barouf n’est-elle pas ailleurs ?
La liesse footballistique aura été bien courte. A peine les lambeaux de drapeaux français jonchant les pavés des Champs Élysées nettoyés, déjà les « affaires » reprennent ! Une non-affaire faudrait-il dire ! Grand Dieu, des barbouzes et autres pro de la gifle se trouveraient dans le sérail présidentiel ? La république exemplaire, celle qui fait fi des pratiques dépassées des costauds gaulliens à la pogne vengeresse (du temps où l’épaisseur des hommes n’était pas qu’au niveau de leur bas ventre), ne serait pas si exemplaire que ça ? Comme un enfant qui découvre que ça saigne si on se coupe.
Il y a un an, après la rencontre entre le président français et son homologue russe, ces mêmes médias revenaient sur le grand virage diplomatique d’Emmanuel Macron vis à vis de la Russie et de la nécessité de stabiliser la situation syrienne : « Les États-Unis ont fixé des lignes rouges mais ont fait le choix in fine de ne pas intervenir. Qu’est-ce qui a affaibli la France ? De définir politiquement une ligne rouge et de ne pas en tirer les conséquences. Et qu’est-ce qui a du coup libéré Vladimir Poutine sur d’autres théâtres d’opérations ? Le fait d’avoir constaté qu’il avait face à lui des gens qui avaient des lignes rouges, mais ne les faisaient pas respecter. » Dans cet entretien donné à plusieurs quotidiens européens, et publié le 22 juin 2017, le chef des armées françaises surprend. Loin des fameuses « sanctions russes », Emmanuel Macron persiste dans l’idée d’un rapprochement avec le méchant ours russe : « Il y a la Syrie. Sur ce sujet, ma conviction profonde, c’est qu’il faut une feuille de route diplomatique et politique. On ne réglera pas la question uniquement avec un dispositif militaire. C’est l’erreur que nous avons collectivement commise. (…) Un : la lutte absolue contre tous les groupes terroristes. Ce sont eux, nos ennemis. C’est dans cette région qu’ont été fomentés des attentats terroristes et que se nourrit l’un des foyers du terrorisme islamiste. Nous avons besoin de la coopération de tous pour les éradiquer, en particulier de la Russie (…) Le vrai aggiornamento que j’ai fait à ce sujet, c’est que je n’ai pas énoncé que la destitution de Bachar el-Assad était un préalable à tout. Car personne ne m’a présenté son successeur légitime ! »
Beaucoup plus « real politique » que donneur de leçon. Changement de ton complet par rapport à son prédécesseur François Hollande, et du lyrisme belliqueux du ministre des affaires étrangères d’alors, Laurent Fabius : « Bachar Al-Assad ne mériterait pas d’être sur la terre ! » Rien que ça !
Renversement de vapeur, acte II
Toujours dans ce même entretien un peu vite passé à l’as par les commentateurs, le chef de l’État livre ce propos saillant : « Avec moi, ce sera la fin d’une forme de néoconservatisme importée en France depuis dix ans. La démocratie ne se fait pas depuis l’extérieur à l’insu des peuples. La France n’a pas participé à la guerre en Irak et elle a eu raison. Et elle a eu tort de faire la guerre de cette manière en Libye. Quel fut le résultat de ces interventions ? Des États faillis dans lesquels prospèrent les groupes terroristes. Je ne veux pas de cela en Syrie. »
C’était il y a un an. En mai dernier, les deux présidents se rencontrent à nouveau à Saint-Pétersbourg. Comme à son habitude, fier comme un artaban, Emmanuel Macron rappelle les points de désaccords entre la France et le pays des Tsar : l’annexion de la Crimée, le rôle de la Russie en Ukraine orientale. Mais les deux hommes s’entendent sur l’accord nucléaire iranien, ou sur la Syrie. Plus de coup de menton avec le judoka Poutine. Au même moment, Donald Trump se voit accusé de complicité dans un possible noyautage des élections américaines de 2016 par la Russie à son profit. Comme quoi, il y a toujours les bons complots, et les mauvais. Potos en coulisses, peut-être, mais pas sur scène, puisque ces mêmes États-Unis annoncent au même moment un repli sur leurs alliances historiques avec l’Arabie Saoudite et Israël en dénonçant l’accord nucléaire de 2015 avec l’Iran, et de nouvelles sanctions contre le grand ours slave. Situation qui fait de la France, un interlocuteur privilégié au sein de l’UE.
Le 14 juillet 2018, au moment de la coupe du monde, qui se transforme en mini sommet international, le chef d’État français rencontre à nouveau Vladimir Poutine. Entrevue qui précède de deux jours l’entretien entre ce même Poutine et Trump à Helsinki. Rencontre franco-russe où l’on retrouve toujours le même dossier : la Syrie, avec une tentative de rapprochement entre le groupe d’Astana (Russie, Iran, Turquie) et le « small group » (Royaume-Uni, Allemagne, Etats-Unis, France, Arabie Saoudite, Jordanie, Égypte). Alors que Macron semble de plus en plus enclin à jouer la carte de l’Est, le président américain, empêtré dans ces affaires Skripal et autres ingérences, rappelle qu’il « ne lâche rien » face à Poutine.
Emmanuel Macron aurait-il joué le mauvais atout pour se retrouver, une semaine après, dans une fausse affaire, mais vrai traquenard ?
François-Xavier CONSOLI