Paris Vox (Tribune) – Chaque semaine, en partenariat avec Radio Libertés, nous publions la retranscription écrite de la chronique d’actualité et d’analyse d’Arnaud De Robert. Aujourd’hui, il revient sur le sens du sacrifice de Dominique Venner.
J’ai longtemps hésité avant de faire cette chronique. Ce n’est pas dans mes habitudes. Non, le plus souvent ce sont les sujets qui pleuvent sur moi. L’actualité est hélas nourrie par un flot continu de d’inversions, de dérèglements, de mensonges, de tromperies qu’il est impossible de taire, qu’il est impossible de ne pas combattre. J’ai donc longtemps hésité à faire cette chronique parce qu’elle ne parle pas d’actualité. Elle traite d’une permanence. Elle traite de la nécessité d’être et d’incarner par-delà toutes ces contingences médiatiques. Hier 21 mai, cela faisait cinq ans que Dominique Venner avait accompli son geste. Geste pas toujours bien compris et parfois rejeté par les patriotes. Et pourtant, geste provocateur au sens étymologique du terme. Geste de défi devant les menaces mortelles pour notre civilisation. Appel impérieux au sursaut salvateur, à la verticalisation des âmes. Geste réclamant la naissance de souffle nouveau, une prise de conscience supérieure capable de révolutionner nos vies. Cinq ans déjà que cet éclair brutal a traversé nos êtres et irradié nos esprits. Je me souviens du choc de cette nouvelle, de ce sentiment violent d’insurrection qui nous a saisis avec quelques camarades et la promesse muette que nous nous sommes faite de tout tenter pour être dignes de cet appel. Dignité. Voilà un mot qui a sûrement échappé au plus grand nombre dans ce geste. Dignité, tenue, verticalité, distance, tous ces concepts ont semble-t-il glissé sur nos milieux comme le vent dans les blés.
Ces cinq dernières années ont en effet été le théâtre d’une grossière, vulgaire et écœurante pièce de boulevard
Ces cinq dernières années ont en effet été le théâtre d’une grossière, vulgaire et écœurante pièce de boulevard. Querelles picrocholines de vedettes auto-proclamées de notre mouvance, sordides histoires d’egos, trahisons, dissidences et caricatures de tous poils, impuissance coupable d’un mouvement national qui n’aura réussi qu’une seule chose : transformer ses défaites en art de perdre. Tous bien plus attachés à leurs biens matériels, à leur réputation qu’au destin funeste de la France et de l’Europe. La compromission est la porte ouverte à tous les esclavages. A tous ceux-là, à tous ces egos bouffis et repus, le geste de haute protestation de Dominique Venner ne pouvait apparaitre que comme incompréhensible, dérangeant, voire même insupportable. Quoi de plus normal après tout à l’heure où les citations de Papacito font figure de bréviaire virtuel pour handicapés du réel ?
Plutôt l’horizontalité que l’altitude. Plutôt la sécurité, la tranquillité, l’indolence, l’hédonisme que l’effort et la conquête. Ce ne sont pas nos ennemis qui nous terrassent, c’est notre peur. Et c’est cette peur qui a rendu inaudible à beaucoup le message de Dominique Venner. La peur de la verticalité, d’une verticalité solaire. La peur de s’élever au-delà des convenances, la peur de perdre, la peur du risque, la peur de bâtir, la peur d’y croire, la peur de réussir. Cette peur à engendré une gêne diffuse et honteuse. En témoignent d’ailleurs le nombre très restreints d’hommages rendus hier, la prolifération des discours de disculpation et ce sourd silence qui entoure désormais l’historien. Puisque l’on ne peut emprunter la voie, taisons le chemin, fermons l’accès, oublions le guide. Alors geste inutile ?
Absolument pas. Parce que l’on aura beau éviter le sujet, contourner le geste, il reste cette interrogation brutale, celle de la capacité vitale à la lutte, cette aptitude au courage, au sens de l’honneur, au non-conformisme aristocratique, à l’ampleur de vue, au goût du risque, à la perception du tragique, à la conscience de sa responsabilité, à l’affirmation de soi, au sens de l’Histoire. Et il y a dans les secrets replis de ce vieux continent que l’on dit usé voire déjà mort des milliers d’âmes prêtes à servir et mourir pour que vive la puissante idée d’un « nous » qui soit le reflet inaltérable de la beauté de l’âme européenne. Il n’y a pas d’alternative, il nous faut être inaccessible au découragement. Il nous faut bâtir cette éthique de volonté. Tout le reste, c’est de l’écume.
Dominique Venner présent ! Bonne semaine !