Paris Vox – En partenariat avec la revue littéraire non conforme Livr’arbitres, retrouvez désormais régulièrement sur Paris Vox une sélection d’extraits de textes littéraires évoquant Paris et l’Ile de France, leur histoire, leurs habitants, leurs rues et leurs monuments…. Aujourd’hui,Henry Miller.
Son sourire était semblable au soleil qui brille après l’averse, un soleil qui rayonnait sur une ville étrange et ravissante. L’image de Paris traversa soudain son esprit, Paris avec ses murs colorés, son ciel qui variait du gris laiteux au gris perle, la verdure mouillée des jardins, les reflets sur la Seine… Il la regarda profondément, intensément. On pouvait difficilement qualifier de sourire cet éclat bizarre, surnaturel. La lumière en était trop fixe, éclairant sans faillir son visage comme celui d’une statue surgie d’un retable, lorsque l’ombre envahi l’église.
Paris ! Sa tête en était pleine. Durant tous ces derniers jours, elles ne chantaient que cela, Paris, Paris, Paris… Que d’évocations dans ce nom ! Les dimanches sur la butte Montmartre, les pique-niques au bois de Boulogne, les manèges aux Tuileries, le bassin du Luxembourg, sur lequel les enfants faisaient voguer leurs bateaux. Il songeait aux amoureux qui se pressaient l’un contre l’autre dans le métro, aux amoureux qui s’enlaçaient en public, dans les squares, dans la rue, partout. Mon Dieu, comme on s’aimait à Paris ! Et au crépuscule, cet éclat métallique et surnaturel du ciel, comme si ç’avait été une plaque réfléchissante sur laquelle jouaient de vives couleurs, barbouillées à la hâte par une main invisible Un ciel tout différent, le ciel de Paris. Un ciel du Nord.
Henry Miller, Crazy Cock (1927-1931), Editions Belfond, 2013.