Paris Vox (Tribunes) – Nous proposons à nos lecteurs régulièrement la retranscription des chroniques radiophoniques d’Arnaud de Robert, décryptages quotidiens de l’actualité sur Radio Libertés.
Il n’a pas fallu très longtemps après qu’Emmanuel Macron ait rendu public sa photo officielle hier pour que les commentateurs de tous poils se mettent à glousser, gloser, décrypter, analyser le cliché présidentiel. Que ce soit pour littéralement faire l’amour au portrait officiel comme cette journaliste midinette de RTL ou pour en critiquer le côté très construit comme chez Calvi, tout le monde, professionnels ou amateurs, savants ou feignants de l’être, se sont jetés sur cette photo.
Les réseaux dits sociaux, Facebook en tête ne sont pas en reste et permettent de plus, de connecter l’analyse photographique à toutes sortes de théories plus ou moins farfelues. Là, les techniciens qui débattent du nombre de retouches de la photo. Ici les communicants qui dissèquent le story telling caché dans l’image. Là encore les complotistes, les ésotéristes et cabalistes de diverses obédiences qui tentent de trouver dans chaque élément du portrait – livre, fenêtre ouverte, drapeaux, ciel – des messages cachés, des symboles satanistes ou Illuminatis. Et puis il y a tous les autres, l’immense armée des pédants omniscients anonymes, les experts du net qui ont un avis sur tout mais surtout un avis. Et tout cela remplit des centaines, des milliers de pages depuis 24h. Je crois n’avoir jamais vu cela depuis que je me pique de politique.
Plus généralement, chacun des gestes de Macron, de ses mots, de ces actes fait l’objet d’analyses de la part des journalistes professionnels comme des « spécialistes » amateurs, très souvent d’ailleurs dithyrambiques.
Plus généralement, chacun des gestes de Macron, de ses mots, de ces actes fait l’objet d’analyses de la part des journalistes professionnels comme des « spécialistes » amateurs, très souvent d’ailleurs dithyrambiques. Cela me rappelle, toute proportions gardées ces nobles de cours qui à Versailles s’entretuaient pour assister au moment où Louis XIV se soulageait sur les toilettes.
Evidemment que Macron est loin d’avoir le premier éclat du roi soleil, mais il est évident qu’au siècle de l’image, Macron bâtit la sienne avec la bénédiction médiatique. On copie un peu Obama, on reprend du De Gaulle. Et surtout, comme Louis XIV, on tente de capter l’attention, de rester au centre du jeu. C’est gagné avec cette photo. Dans un monde ou la pensée dépasse rarement la hauteur des pâquerettes, un cliché de ce type suffit pour alimenter pendant des jours les spécialistes du pinaillage et du coupage de cheveux en quatre. En fait un rien suffit aujourd’hui à « faire polémique » comme on dit. L’agression de bac à sable de NKM en est aussi une illustration flagrante.
Bon et cette photo au fait ? Si vous l’avez vu, j’imagine que vous savez à peu près ce que j’en pense. Ce portrait est un truc d’une banalité sans nom, une bête photo officielle. Très retouchée, surexposées, un rien désordonnée, mais pas de quoi faire un fromage. Et surtout, surtout, ce portrait ne fait ressortir aucune l’incarnation de fonction. A bien y regarder, cette photo a tout du portrait de PDG, de grand banquier, de capitaine d’industrie mais rien de la stature, de la prestance que demandait, demanderait et demande la fonction suprême. Et c’est pourquoi cette photo officielle d’Emmanuel Macron, président de la République française est criante de vérité. On pourra me raconter qu’elle est entièrement scénarisés, montée, artificielle, moi j’y vois peut-être le premier moment de vérité de cet homme. Car sur cette photo, Emmanuel Macron incarne sa nature, celle d’un oligarque hors-sol, éthéré, au sourire carnassier mais au visage si lisse, si parfait. Du costume au brushing pas une aspérité. Tout est satiné, poli. On croirait presque avoir à faire à la copie de cire pour le musée Grévin. Il y a là-dedans quelque chose d’inhumain, d’holographique qui nous rappelle que Macron a longtemps incubé dans les matrices de l’oligarchie bancaire. C’est un produit chimiquement pur, un composé parfait pour liquéfier la France. Une France dont le portrait officiel ressemble plus dorénavant à une de ces photos d’identité de photomaton. Un photomacron en somme. Pas gagné. Allez Bon week-end !