Histoire de Paris : la rue de l’Arbre Sec

Histoire de Paris : la rue de l’Arbre Sec

Paris Vox – Redécouvrez les grands monuments de Paris ainsi que l’Histoire, petite ou grande, de la capitale.


Origine du nom – Hypothèses.

Pourquoi a-t-on donné à cette artère, qui existe depuis la fin du 13e siècle, le nom de « rue de l’Arbre-Sec » (1er) ?

-Peut-être du fait de la présence d’un gibet –dit « arbre sec »- qui se dressait jadis à l’extrémité nord de la rue.

-Selon d’autres sources, ce nom ferait référence à une ancienne enseigne qui représentait l’Arbre-Sec que la légende chrétienne fait pousser en Egypte. De fait, cet arbre était supposé rester vert et couvert de feuilles, de la création du monde au jour de la mort du Christ, jour où il se dessécha soudainement. Et c’est là une vraisemblable référence au passage de l’Evangile selon saint Luc (Luc 23 : 28-31) relatant l’histoire de Jésus emmené au Calvaire : « Mais, se retournant vers elles, Jésus dit : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants ! Car voici venir des jours où l’on dira : Heureuses les femmes stériles, les entrailles qui n’ont pas enfanté, et les seins qui n’ont pas nourri ! Alors on se mettra à dire aux montagnes : Tombez sur nous ! et aux collines : Couvrez-nous ! Car si l’on traite ainsi le bois vert, qu’adviendra-t-il du sec ? »

 

Un mot Saint-Germain l’Auxerrois.

 

Une brève chronologie.

 

Le chevet de l’église Saint-Germain l’Auxerrois (baptisée ainsi en l’honneur de Germain d’Auxerre) donne sur la rue de l’Arbre-Sec (entre la place du Louvre et la rue de l’Arbre-Sec). La première église fut détruite lors du siège de Paris par les Vikings en 885-886. Rebâtie au 11e siècle, il ne reste aucun vestige de cette époque. Sa partie la plus ancienne est la tour romane qui date du 12e siècle. En grande partie reconstruite au 15e siècle, Saint-Germain l’Auxerrois devient l’église attitrée de la famille royale à l’époque où les Valois s’établissent au Louvre. Dans la nuit du 23 au 24 août 1572 (Saint-Barthélémy), c’est le tocsin de l’église Saint-Germain l’Auxerrois qui aurait donné le signal du déclenchement du massacre des protestants (à noter que ce signal fut sonné du clocher et non du beffroi, celui-ci n’ayant été édifié, entre l’église et la mairie du 1er arrondissement, qu’au 19e siècle). C’est, dit-on, dans l’église Saint-Germain l’Auxerrois, après le retour forcé de la famille royale de Versailles aux Tuileries, que le futur et éphémère Louis XVII fit sa première communion. Utilisée de diverses manières sous la Révolution, et ce dès 1793, l’église ne retrouvera sa vocation religieuse qu’en 1802. Par la suite, l’église échappera plusieurs fois à des projets de destruction. Au 19e siècle, elle s’élève toujours au cœur de Paris mais se voit bientôt (1858-1863) flanquée d’un beffroi et d’une mairie à tel point construite sur le modèle de l’église elle-même qu’il est encore parfois difficile aujourd’hui de les distinguer l’une de l’autre. Saint-Germain l’Auxerrois est dite la paroisse des artistes. Rameau s’y mariera notamment le 25 février 1726. C’est l’une des plus anciennes églises de Paris.

 

Les carpes de Saint-Germain l’Auxerrois.

 

Le chevet de l’église, comme nous l’avons dit, donne sur la rue de l’Arbre-Sec. On peut y voir ce que l’on nomme « les carpes de l’église Saint-Germain l’Auxerrois ». Il s’agit d’une frise sculptée présente sur le pourtour de la chapelle centrale et représentant des tronçons de carpes, la tête, le corps et la queue, alternant avec des rosaces. C’est un riche drapier nommé Tronson qui, en 1505, prit à sa charge les frais de l’édification de cette chapelle. Il mit toutefois une condition : il fallait que le sculpteur, Jean Solas, fit apparaître sur les murs un témoignage de sa participation. Tronson avait-il des pêcheurs ou des poissonniers parmi ses ancêtres ? Nous ne le savons pas. Mais c’est ainsi que furent sculptés, tout au long de cette corniche, les tronçons de carpes qu’on peut encore y voir.

 

Anecdotes de la rue de l’Arbre Sec

 

-N°21 : Emplacement de l’hôtel de Sourdis où mourut Gabrielle d’Estrées, la veille de Pâques (10 avril) de l’an 1599, à l’âge de 29 ans. En 1591, Gabrielle d’Estrées devint la maîtresse et la favorite d’Henri IV. Elle mourut dans la nuit qui précéda son mariage avec le roi, soit d’apoplexie foudroyante, soit d’empoisonnement. On affirma même que le Diable –qui a décidément bon dos !- avait lui-même étranglé la belle Gabrielle…

 

-N°39 : Durant la Terreur (1792-1794), Eugène de Beauharnais y fut apprenti menuisier. Fils de l’officier royal Alexandre de Beauharnais et de Marie-Josèphe de Tascher de la Pagerie, originaire de la Martinique et plus connue sous le nom de Joséphine de Beauharnais, Eugène de Beauharnais (1781-1824) fut adopté par Napoléon qui épousa Joséphine sous le Directoire (1796), Alexandre de Beauharnais ayant été, quant à lui, guillotiné en 1794. Il convient de rappeler que si Joséphine est parfois désignée comme « Créole » c’est qu’à cette époque l’on désignait par ce terme toute personne originaire des îles, en cela compris les Européens qui s’y étaient installés. Joséphine était issue d’une famille de planteurs français et n’était donc pas une femme de couleur. Précision que l’on doit à la vérité historique.

 

-En 1359, on situait déjà une fontaine au milieu de la rue de l’Arbre-Sec. Un autre fut vraisemblablement construite en 1635. Comme elle gênait la circulation, elle fut réédifiée, en 1776 (suite aux travaux de Soufflot), au coin de la rue de l’Arbre Sec et de la rue Saint-Honoré. Cette fontaine est classée. Près d’elle se dressait la Croix-du-Trahoir, le carrefour des rues Saint-Honoré et de l’Arbre-Sec fut d’ailleurs lui-même longtemps appelé « place de la Croix-du-Trahoir ». Lieu de supplice, ladite place était particulièrement réservée à la coupe des oreilles des serviteurs indélicats ! Une potence et la roue y furent également longtemps dressées. Selon la coutume de l’époque, une croix, supposée favoriser les oraisons des suppliciés, faisait bon voisinage avec ces instruments de torture et d’exécution. Il s’agissait d’une grande croix de pierre dont les degrés étaient en partie loués comme étaux à des bouchers et, pour une autre partie, loués à des marchands de légumes.

 

-Au début du 16ème siècle, les évêques prirent la décision de ne plus enterrer les personnes mortes sans testament, et plus particulièrement celles « coupables » de…ne pas avoir fait de legs à l’Eglise ! Mais en 1553, la peste frappa durement Paris, et le peuple n’avait guère le loisir de penser aux questions de succession. Aussi abandonna-t-on de très nombreux cadavres, durant des jours et des jours, à même la rue de l’Arbre-Sec.

 

-Durant la Fronde (guerre civile opposant le parti d’Anne d’Autriche et de Mazarin à celui du Parlement et de la noblesse durant les années 1648-1652), la journée dite « des barricades » eut lieu sur le Pont-Neuf et rue de l’Arbre-Sec. La révolte fut réprimée par la force mais Anne d’Autriche dut néanmoins libérer Pierre Broussel que l’on avait surnommé le « père de la Fronde ».

 

-Si l’on suit le trottoir de la rue de l’Arbre-Sec qui mène à la Seine, à hauteur du chevet de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, on peut voir un lampadaire qui, selon Alexandre Arnoux, serait le centre de gravité de Paris.

 

 

Eric TIMMERMANS.

 

 

Sources : Connaissance du Vieux Paris – Rive Droite, J. Hilairet, Editions Princesse, 1982, p. 78 / Guide de Paris mystérieux, Les guides noirs, Editions Tchou Princesse, 1978 (p.112/113 – 584).