Paris Vox a le plaisir de proposer à ses lecteurs une sélection des retranscriptions écrites des chroniques d’Arnaud de Robert, diffusées quotidiennement dans la matinale de Radio Libertés.
Henry Emmanuelli, 71 ans, est mort hier. La mort du corso-béarnais, grande gueule et éléphant du PS ne trouve évidemment pas d’autres explications que la fatalité et la maladie. Mais, son décès au lendemain du premier débat des présidentielles qui a vu s’affronter pas moins de trois variantes de la gauche ex-PS raisonne comme si le patriarche de la gauche socialiste n’avait pas supporté l’effondrement de l’édifice qu’il avait contribué à fonder et faire accéder au pouvoir. Et pourtant, le parcours même d’Henry Emmanuelli porte en lui les germes de la dégénérescence de la pensée socialiste. Fils d’un militant communiste, petit-fils de berger pyrénéen, Emmanuelli est littéralement né dans ce peuple pauvre et insoumis qui, quelques soient les régimes et les factions n’a toujours connu que misère et privations. Emmanuelli est aussi le produit de la seule chose positive qu’ait probablement engendré la République à savoir l’ascension méritocratique par l’école.
Emmanuelli est aussi le produit de la seule chose positive qu’ait probablement engendré la République à savoir l’ascension méritocratique par l’école.
Malgré un handicap physique de naissance, il fait de brillantes études et intègre Sciences-Po en 1963 et en ressort diplômé deux ans plus tard. Il aurait pu faire de cette chance extraordinaire de réussite républicaine une arme de défense du peuple. Il a choisi la banque. Et pas n’importe laquelle puisqu’il intègre la Compagnie Financière Edmond de Rothschild. Comme beaucoup, comme Macron. Le ver est dans le fruit, l’oligarchie a repéré l’ambitieux, le travailleur et le coopte. L’adoubement final sera au milieu des années soixante-dix matérialisé par son entrée dans la Franc-Maçonnerie. Parcours hélas classique du processus de domination oligarchique. Parcours archétypal qui retourne les fils du peuple contre leurs semblables. Adhérent au PS dès 1971, il se lie d’emblée à Mitterrand. La suite logique de cette alliance sera là aussi une trajectoire politique classique faite d’élections, d’échelons patiemment gravis jusqu’à la récompense avec un poste gouvernemental dans les cabinets Mauroy, Bérégovoy et Fabius. Il s’y taille une réputation de fort en gueule qui le conduit un peu plus tard au « perchoir », à la présidence de l’Assemblée Nationale ainsi qu’au secrétariat général du PS. Candidat malheureux face à Jospin dans la désignation du présidentiable pour l’élection de 1995. Son éclipse politique, ce sera l’énorme affaire Urba de financement illégal du Parti Socialiste qui lui coûtera ses mandats, de la prison avec sursis et une privation de droits civiques de deux ans. Déjà les scandales, l’argent sale, les passe-droits, les comportements mafieux. Revenu à la politique au terme de ses condamnations, il ne retrouvera plus le même éclat. Se réclamant tour à tour de la gauche socialiste ou du blairisme, Emmanuelli symbolise finalement l’hésitation permanente de cette gauche de pouvoir qui aimait trop l’argent pour le brûler et se libérer du Capital.
Emmanuelli symbolise finalement l’hésitation permanente de cette gauche de pouvoir qui aimait trop l’argent pour le brûler et se libérer du Capital.
Son ralliement en janvier à Hamon dont il était proche, marque peut-être un dernier retour aux sources de ce père communiste, une ultime tentative de réparer la trahison. Trop tard. Pour un bon moment au moins, Macron a mis le PS dans le vent et Hamon dans ses chaussettes. Trop tard également parce que le jour même de la mort d’Emmanuelli c’est Bruno Le Roux, le ministre de l’Intérieur qui démissionne sur fond de scandale. Trop tard enfin parce que trahir le peuple a un prix, c’est celui de le perdre et de le voir partir sous d’autres horizons. Et si la mort hier d’Emmanuelli n’a reçu d’autres hommages que ceux de la presse et des politiques c’est qu’il n’y finalement plus qu’eux pour se souvenir. Le peuple a, lui, déjà tourné la page. On est très loin de Jaurès ou Briand. On est tout proche de Macron et du néant. La gauche n’en finit décidément pas de mourir. Bonne journée !