Bayrou: la longue marche …

Bayrou: la longue marche …

Paris Vox a le plaisir de proposer à ses lecteurs une sélection des retranscriptions écrites des chroniques d’Arnaud de Robert, diffusées quotidiennement dans la matinale de Radio Libertés.


François Bayrou a donc proposé une alliance à Emmanuel Macron. Ainsi s’achève plus de trente années d’ambition politique. Ainsi s’achève également les rêves et espoirs présidentiels un peu fous de celui qui a cherché pendant toutes ces longues années à incarner en vain le centre de l’échiquier, au sens propre comme au figuré … tout cela pour finir chez Macron.

Alors, comme d’habitude, François Bayrou nous a joué la grande scène de l’acte deux. Suspens « insoutenable » depuis plusieurs jours à propos de la possibilité de sa candidature à la présidentielle. Siège de son parti, le Modem, pris d’assaut par les journalistes (rendez-vous compte, plus de 150 accréditations délivrées), mine grave, discours lui aussi empreint de solennité. Bayrou, il faut le reconnaître a un sens théâtral développé.

Bayrou qui décrivait Emmanuel Macron comme le produit chimiquement pur de l’oligarchie bancaire mâtiné qui plus est d’une lourde responsabilité dans le bilan du quinquennat Hollande.

Il a aussi probablement celui du goût pour les choses baroques. Il y a quelques semaines, je faisais justement une chronique sur cet éternel perdant et perdu de la politique française. J’y soulignais justement les propos forts virulents de Bayrou qui décrivait Emmanuel Macron comme le produit chimiquement pur de l’oligarchie bancaire mâtiné qui plus est d’une lourde responsabilité dans le bilan du quinquennat Hollande. Difficile de faire plus acide pour quelqu’un qui assurait n’avoir rien de commun avec Macron. Il faut croire qu’en politique les temps changent vite, très vite. Interrogé la dessus hier par un journaliste, le patron du Modem a platement balbutié un changement à la fois chez son homologue d’En Marche ! et sur les points de programme du parti macronien. Justifications toutes bien superficielles et frêles lorsque l’on sait que le mouvement de Macron n’a tout bonnement pas encore présenter le moindre document ressemblant de prêt ou de loin à une plateforme programmatique. Enfin, ce n’est pas le plus dérangeant, la vision centriste ayant toujours eu de nombreuses difficultés à se définir sérieusement.

Ce qui est en revanche dérangeant c’est le numéro d’illusionniste de pacotille de Bayrou. Nous faire croire que la situation catastrophique de notre pays, les lourdes menaces qui pèsent sur lui exigent de sa personne une sorte de sacrifice politique, un seppuku personnel au nom de la liberté c’est vraiment nous prendre pour des pommes. D’abord parce que chacun sait de Bayrou avait un deal politique ouvert avec Alain Juppé dont l’élimination aux primaires a anéanti réalisation. Ensuite parce qu’il ne fait de secret pour personne que le Modem est en chute libre dans l’opinion et qu’une partie des cadres et militants a déjà tout bonnement quitté le parti centriste pour rallier le mouvement de Macron. Isolé, crédité de 5-6% des voix, Bayrou, en cas de présentation à la présidentielle sous ses propres couleurs, courait tout droit à l’échec politique et à la faillite financière. Le ralliement aux Républicains n’offrant qu’une très faible marge de manœuvre pour les législatives, l’idée de se tourner vers « En Marche ! », structure jeune, ambitieuse et surtout ouverte et demandeuse présentait finalement les meilleurs avantages. De là, le scénario sacrificiel probablement construit avec l’assentiment même de Macron pouvait se mettre en place. L’idée de ce scénario est d’ailleurs très fine puisqu’elle permet une sortie honorable du jeu présidentiel à un Bayrou coincé par la non-validation de Juppé. Ensuite parce qu’une alliance signifie la persistance du Modem comme parti-partenaire de celui de Macron. Enfin, parce qu’il y a quelque chose de l’ordre du passage de flambeau dans cette affaire. Ça on peut être sûr que cela intéressait Macron. Pour François Bayrou par contre, la pilule est sûrement amère. Avoir tenté si longtemps la germination d’un grand centre libéral humaniste et voir cela se réaliser dans une version holographique désincarnée par un banquier pratiquement moitié moins vieux que lui, c’est dur, très dur. Bayrou ou l’histoire tragique d’un chrétien social qui pensait le centrisme au cœur du bon sens humain alors que le centrisme a toujours été bancaire et oligarchique. Adieu François, bonjour Rothschild ! Bonne journée !!