Paris Vox (Tribune) – Dimanche matin, avant l’aube, alors que la plupart des Parisiens étaient encore profondément endormis, j’enfilais un short et mes baskets avant de me diriger vers le métro et de rejoindre le Parc Floral de Vincennes. Au fur et à mesure que les stations défilent, d’autres personnes, vêtues comme moi, entrent dans la rame.
Nous avons tous rendez vous pour l’événement sportif parisien de la semaine : le semi-marathon de Paris. 50 000 inscrits s’apprêtent à courir 21,07km à travers certaines des plus belles artères de la capitale. Nous avons tous le sourire aux lèvres alors que nous sommes accueillis dès notre sortie du métro par un froid hivernal et un vent gelé. Parmi tous les coureurs présents, 3000 (dont je fais partie) ont décidé de courir pour une cause bien spécifique : celle des Chrétiens d’Orient. Trois associations (l’Aide à l’église en détresse, Malte au Liban et SOS Chrétiens d’Orient) sont en effet associées à cet événement dans l’espoir de lever des fonds pour des projets de terrain. L’ambiance est festive et je croise un vieux camarade qui s’apprête lui aussi à courir. Je participe à la photo de groupe avant de me diriger vers la consigne pour accrocher mon dossard sur mon maillot, déposer mon sac et prendre place dans mon sas de départ.
L’objectif pour moi est clair : boucler les 21 kilomètres en 1h35 ou moins. Quelques minutes avant mon horaire de départ, la pluie se met à tomber. A ce moment là, je suis bien content d’avoir gardé mon bonnet. Le froid est toujours bien présent et la pluie n’aide en rien. Heureusement que la course commence. Le sang se met à circuler et réchauffe jusqu’à mes doigts congelés.
Le premier kilomètre est toujours un peu particulier. Il y a trop de monde, le rythme de chacun est différent et on manque parfois de peu de marcher sur les talons de la personnes de devant. Mais le cortège s’espace et je trouve enfin de la place pour allonger la foulée. Mon rythme me semble bon. Tous les kilomètres je vérifie mon chrono pour voir si je suis toujours dans les clous pour atteindre mon objectif. Sauf qu’en bon homme que je suis, je découvre au bout de quelques kilomètres que je suis incapable de faire deux choses à la fois : je me suis trompé dans mon calcul de temps de passage au kilomètre 3 ! Peu importe, je n’ai pas trop de retard et il me reste 18 kilomètres pour rattraper la minute ‘en trop’ que j’ai accumulée. Rien de bien inquiétant.
Je tiens un rythme constant sur les 10-11 kilomètres qui suivent. Je traverse l’Est parisien, passe par la Bastille, suit la rue de Rivoli. A intervalles réguliers, les supporters de SOS Chrétiens d’Orient chantent, encouragent. Des petites attentions qui peuvent paraître inutiles pour l’observateur extérieur mais qui se révéleront précieuses quand l’effort deviendra plus ardu.
Au kilomètre 15, je regarde ma montre, et je me rends compte que j’ai pris du retard sur le temps que je m’imposais. Beaucoup de retard. Un peu moins de 30 secondes. J’y repense rapidement. C’est encore rattrapable mais il va falloir redonner un deuxième coup de reins. Au kilomètre 16, je me rends compte que malgré mes efforts, je n’arriverai pas à rattraper mon retard et que l’objectif s’envole. Surtout que je sens mes muscles se durcirent. Non seulement je vais avoir du mal à réacclérer mais en plus, je sens que je ne vais pas réussir à tenir le rythme que j’avais jusque là.
Luttant contre un léger sentiment de frustration je me fixe un nouvel objectif : courir jusqu’à la fin, ne pas céder à la facilité de la marche, ou pire, de l’abandon. J’aperçois le coureur qui indique le rythme de 1h40. Il porte en effet dans le dos un grand fanion qui le rend visible de loin. Je vais réussir à suivre son rythme sur 1500 mètres. Puis, les jambes sciées, je le vois s’éloigner et je comprends que je n’arriverai plus à le rattraper. Les kilomètres vont alors se succéder à un rythme incroyablement lent. La pluie continue à tomber avec encore plus de férocité. Je cours parfois à travers des flaques qui trempent mes chaussures, mes chaussettes. Mes doigts recommencent à être frigorifiés foulée après foulée. Je guette sans arrêt les panneaux qui indiquent les kilomètres parcourus, chaque borne m’indiquant que je me rapproche un peu plus de la ligne d’arrivée. Les supporters sont toujours là, parfois de simples Parisiens venus encourager les sportifs qui se donnent entier à cette course. Mes jambes continuent à se raidir. Elles m’incitent à me mettre à marcher, en vain !
Le dernier kilomètre va être particulièrement difficile. Je vois les gens me dépasser, d’autres finir en marchant. Aucune envie de finir comme ça. C’est soulagé que je passe la ligne d’arrivée. Je regarde mon chrono : 1h47. Moins bon que voulu mais encore acceptable.
Pourquoi s’infliger une telle épreuve ? Les raisons sont nombreuses mais la plus importante d’entre elles tient dans un dicton latin bien connu : « Mens sana in corpore sano » : un esprit sain dans un corps sain. La sagesse des Anciens devrait, selon moi, être le guide de notre vie au quotidien. Et ce genre de courses fortifie le corps et affine l’esprit, renforce la volonté ! Un bon exercice pour la vie en fin de compte. Un exercice que je vous invite tous à faire. Enfilez une paire de baskets, ou de chaussures de marche et partez marcher, partez courir ! La France appartiendra à ceux qui la sillonnent !
Alors oui, j’ai fini cette course un peu frustré de ne pas avoir atteint l’objectif que je m’étais fixé. Qu’importe ! D’ici trois jours, je me remettrai à l’entrainement pour être fin prêt pour une prochaine course. Et oui, le marathon de Paris, c’est dans un mois !
Paul Eparvier