Macron: du neuf pour les vieux…

Macron: du neuf pour les vieux…

Paris Vox – Dorénavant, Paris Vox publiera régulièrement la retranscription écrite de la chronique de commentaire d’actualité d’Arnaud de Robert diffusée dans la Matinale de Radio Libertés. Aujourd’hui, notre chroniqueur se penche à nouveau sur le cas Macron et sur la compagne médiatique qui le soutient…


En s’en tenant au rouleau compresseur médiatique, on serait porté à croire que décidément, Macron incarne bien cette nouveauté libératrice tant espérée dans le paysage politique français. D’ailleurs, les éléments de langage, savamment distillés par les équipes du sémillant banquier aux médias énamourés, sont plus que signifiants : Espérance, renouveau, harmonie, réconciliation … Si l’on n’était pas sûr que le p’tit Mozart de la finance ne concoure bien pour la présidentielle, on pourrait fort bien se penser dans un prêche vaguement messianique de l’un de ces télévangélistes à la mode outre-Atlantique.  Donc, Macron nous est présenté comme la « nouveauté », voire le « renouveau » face à un système politique qui serait endogame, bloqué, stérile. Et il est vrai que la tête de jeune premier de Macron participe esthétiquement de cette image du renouveau. Après tout, le président d’En Marche ! n’a que 39 ans, ce qui en fait l’un des candidats à la présidentielle les plus jeunes des cinquante dernières années. Est-ce du jeunisme ? Du « dégagisme » ?

Le jeunisme a cette caractéristique d’être un effet de mode qui périodiquement revient à la surface des sociétés occidentales comme une poussée d’acné.

Et bien non, car le jeunisme a cette caractéristique d’être un effet de mode qui périodiquement revient à la surface des sociétés occidentales comme une poussée d’acné. Ce n’est pas non plus du « dégagisme »  (terme utilisé par les manifestants tunisiens du Printemps arabe pour éjecter leurs dirigeants) parce que le dégagisme, très à l’œuvre lors des primaires de droite et de gauche, dévalue sans discernement l’expérience pour survaloriser la nouveauté. Non, l’émergence d’un Macron doit être comprise comme la mise en place d’un élément d’une stratégie plus large. Et l’on ne comprend rien à cette stratégie si l’on positionne une fois de plus une grille politique et non pas économique au phénomène Macron. Dans le monde économique justement, les quadras prennent le pouvoir. Les grandes valeurs du CAC 40 passent sous la direction de jeunes PDG de l’âge de Macron. Publicis, Engie, Klepierre, Pernod-Ricard, Axa sont ainsi aux mains de gens nés dans les années 70. La classe des quinquagénaires a été purement et simplement sautée. Mais que l’on ne se méprenne pas. Dans le monde économique, l’appel d’air frais se fonde sur des bases rationnelles. Ces jeunes PDG ont été choisis pour le dynamisme, le fait qu’ils soient en phase avec leur temps et qu’ils auront le temps de se projeter dans l’avenir, sur le long terme. C’est là-dessus que parient les sages sexagénaires, septuagénaires et parfois octogénaires qui peuplent les conseils d’administration. Exactement comme Macron. Pierre Bergé, Alain Minc, Jacques Attali, Marc Goua, Bernard Kouchner, Jean-Marie Cavada, Claude Bébéar … ne forment pas à proprement parler la jeune classe de l’oligarchie. Ils en constituent plutôt l’armature directionnelle senior pour l’entreprise France. Et s’ils capitalisent sur Emmanuel Macron c’est dans l’exacte parallèle des nominations de quadras dans les grands groupes transnationaux, afin de maintenir l’outil de production, de profit.

Conserver le pouvoir, lui donner des habits attrayants, un sourire enjôleur. Fabriquer de l’espoir, de l’enthousiasme, du consentement.

Et dans le cas précis de Macron, l’objectif est bien de maintenir l’outil de contrôle oligarchique, de prévenir la montée populiste, de poser les bases d’un contre-feu business-compatible. Faire du vieux avec du neuf en somme. Conserver le pouvoir, lui donner des habits attrayants, un sourire enjôleur. Fabriquer de l’espoir, de l’enthousiasme, du consentement. Calmer les angoisses, fluidifier la colère, manipuler l’opinion, violer encore une fois l’immense besoin de souveraineté populaire, arracher la possibilité d’un « non » ferme à l’oligarchie, essayer de tuer définitivement toute velléité d’une riposte, d’une révolte des âmes. Pour quelques dollars de plus bien sûr, pour dominer aussi et tout simplement parce qu’il leur est impossible de penser autrement le monde. Le pari peut-être gagnant hélas. A nous de les faire perdre, tout est entre nos mains. Bonne journée !