Paris Vox – En partenariat avec la revue littéraire non conforme Livr’arbitres, retrouvez désormais régulièrement sur Paris Vox une sélection d’extraits de textes littéraires évoquant Paris et l’Ile de France, leur histoire, leurs habitants, leurs rues et leurs monuments…. Aujourd’hui, Henri Béraud et Jean Galtier-Boissière.
Henri Béraud, Quinze jours avec la mort, 1951 : Cela se nommait « aller aux soins ». Sous les yeux de quelque surveillant débonnaire et bourru, on absorbait pour la forme d’anodins cachets et d’inoffensives potions. Le gratin de Fresnes y tenait salon. Ministres, académiciens, diplomates, généraux, banquiers, gens de lettres et de théâtre animaient cette potinière, où régnait une extrême courtoisie. Sous les rubans troubles de la fumée, qui se balançaient au plafond, c’était encore Paris, ses mots, ses potins, sa frivolité, ses partis pris, sa liberté de mœurs et de langage. A un siècle et demi de distance on retrouvait l’insouciante et spirituelle promiscuité de la Terreur. Rien n’y manquait, pas même les condamnés attendant la charrette. Nous étions deux, Puységur et moi, qui, censés fumer leurs dernières cigarettes, fignolions nos mots de la fin, en distribuant des autographes.
Jean Galtier-Boissière, Mémoires d’un parisien, 1960 : J’habite 3 place de la Sorbonne, au cœur du Quartier latin, la vieille maison que fit bâtir mon arrière-grand-père en 1837, et j’occupe au cinquième étage l’atelier où se succédèrent mon grand-oncle, le poète Louis Ménard et mon oncle Emile-René Ménard, peintre à la Belle Epoque, de temples grecs et de nymphes les pieds dans l’eau. C’est dans cette haute pièce que Baudelaire lut pour la première fois Les Fleurs du mal à ses amis Théophile Gautier, Théodore de Banville et Louis Ménard.