Paris Vox (Tribune) – J’aime les films d’Eugène Green. Pour leur lenteur, leurs plans fixes et leur langue. Une langue non pas châtiée mais tout simplement respectueuse de la syntaxe; ce qui est devenu si rare. Certes, ces dialogues non relâchés sont facétieux puisqu’on y prononce toutes les liaisons et qu’on y chasse l’anglicisme. Mais reproche-t-on à un artiste les marques de son style ?
Je ne résumerai pas la trame narrative du film. Il est facile de s’en informer. De surcroît, je ne connais pas le nom des acteurs, ni les techniques cinématographiques. Je m’en tiendrai à deux ou trois choses simples pour le recommander à son public : l’honnête homme. Car ce film n’est pas fait pour les demi-habiles (les cyniques, ceux à qui on ne la fait pas, les “malins” !). Ils le jugeront mièvre ou ennuyeux. Mais sont-ce des hommes disposés à la grâce ?
D’abord ce film est beau. Comme dans tous les films de Green, le Grand Siècle est omniprésent par ses arts. On peut penser légitimement que le XVIIème siècle est l’apogée de l’art français. On peut aussi ne rien y connaître. On ne pourra pas ne pas être saisi par la parole, le chant et la musique baroque, par la vue des clairs-obscurs d’une scène ou d’un tableau.
Ensuite ce film est drôle. La moquerie des petits milieux (ici surtout les lettreux germanopratins) fait rire de bon cœur.Enfin ce film est profond. Si la part consacrée à la satire est moindre que dans les précédents, c’est qu’il déploie davantage une grande méditation. Une méditation biblique à travers une réappropriation des grands scènes les plus connues mais rejouées aujourd’hui : le sacrifice d’Abraham, le veau d’or, la fuite en Egypte… Green parvient à nous montrer comme pour la première fois le bien connu. C’est surtout un film néotestamentaire car on peut y discerner d’un seul coup la naissance du Christ, l’abandon par le Père, son arrestation… Non pas sa mort à la fin mais des quasi-résurrections pour les quatre personnages principaux.
Bref, ce film est une apologie de la religion chrétienne. Non qu’il convertisse; Dieu seul le peut. Mais il rend la religion aimable: il dispose à la grâce. C’est beaucoup pour un film.
Jean d’Azurapal