Paris Vox – Infatigable animateur de la revue non-conforme Réfléchir & Agir et des éditions Auda Isarn, Pierre Gillieth vient de publier un nouvel ouvrage, Western électrique. Nous l’avons rencontré pour évoquer ce roman.
PV : Vous publiez un roman que vous décrivez comme « autobiographique », est-ce l’annonce de votre retraite militante ? Êtes-vous plus âgé que nous l’imaginions ? Plus sérieusement, qu’est-ce qui vous a poussé à entreprendre ce travail et ce récit personnel ?
J’ai 50 ans, donc ma jeunesse est suffisamment éloignée maintenant pour pouvoir en parler avec un peu de recul. Cela dit, j’ai décrit l’exact climat de l’époque, et ce que fut réellement ma vie d’alors, au tout début des années 1990. D’où l’aspect autobiographique déguisé en roman. Pour répondre à votre seconde question, je ne prends pas ma retraite, je ne la prendrai jamais. La colère qui était la nôtre à vingt ans est toujours là. Car la situation a empiré. Nous n’avions pas cru , il y a plus de 30 ans, à cette arnaque du vivre ensemble, à la petite main jaune popote-marketing de SOS Racisme, à cette immigration et à cette mondialisation qui ont appauvri 90 % du pays mais profité à une caste minoritaire, uniquement préoccupée par le pognon (et l’immigration représentait pour ces libéraux mondialistes une main d’œuvre bon marché alors que, dès 1979 avec le second choc pétrolier, il y avait déjà un million de chômeurs en France) et qui, aujourd’hui avec Macron, préfère parler de république (un véritable nouvel auxiliaire tant on nous la met à toutes les sauces) que de la France. Les mêmes qui, comme Macron, nous disent qu’il n’y a pas de culture française… Ces gens-là sont des criminels. Ils ont du sang sur les mains, celui des victimes du Bataclan, de Nice, de tous ces attentats qui, si on nous avait écoutés, n’auraient jamais eu lieu. Leur monde s’écroule et ces idiots continuent à croire que c’est en faisant des incantations à la République, à la laïcité, ou en jouant « Imagine » au piano avec des bougies qu’ils vont régler ces problèmes. Pathétique et inconscient. Ils n’ont pas fini de déchanter…
PV : Dans votre roman Western électrique, vous revenez sur votre jeunesse et votre engagement militant. Quel a été pour vous le déclic qui vous a conduit à « entrer en politique » ?
Comme je le raconte dans le roman, j’ai grandi dans un milieu très bourgeois, sarkozien avant l’heure. De plus, ma grand-mère maternelle était la sœur de Pierre Baudis, le maire de Toulouse à l’époque (il sera ensuite remplacé par son fils Dominique). Le déclic ? C’était franchement creux et une fourmilière d’arrivistes (je parle de l’ambiance à la Mairie de Toulouse à cette époque). J’ai vécu ça, entraîné par ma mère qui était elle-même élue. J’ai encore en tête plein d’images, comme celle de l’équipe municipale présente au Salon Rouge lors des soirées électorales. Ces élus qui se poussaient les uns les autres, comme des gamins à la récré, derrière Dominique Baudis pour qu’on les voie dans le champ de la caméra quand la télé l’interviouvait. J’avais 14-15 ans mais, même à cet âge-là, on comprend déjà que ces gens sont pathétiques. J’ai peu de souvenirs de gens vraiment talentueux. Il y en avait quelques-uns malgré tout, soyons objectifs. Je pense à Jean-Michel Lattes par exemple, un centriste certes mais un type vraiment bien.
Donc, outre ce spectacle grotesque, j’ai, comme beaucoup d’entre nous, vu mourir la France d’avant et naître ce cauchemar libéralo-sociétal dont nous crevons aujourd’hui. Un monde de plus en plus métissé, ubérisé, mondialisé, inculte, consumériste, un monde que je rêve de voir enfin crever. Pour rebâtir un monde plus humain, enraciné et pas obnubilé par le fric et la productivité consumériste, la tyrannie du chiffre, le règne de la quantité guénonien… Le problème est que notre peuple est totalement anesthésié et abruti par la propagande à jets continus, et ce quasiment dès la maternelle. Et on pointe toujours les 68ards de gauche (qui, en effet, ont pris le pouvoir culturellement et intellectuellement – sans Mai 68, pas de victoire de Mitterrand en 1981), mais je ne dédouane pas les 68ards de droite (dont ma famille est un bon exemple) uniquement préoccupés par leur bien-être égoïste et le fric. Un monde creux, inculte, où les références sont Johnny Halliday et Jean d’Ormesson. On pourrait en rire certes, mais cette « culture » de droite est un vrai cauchemar, médiocre, qui tient sur un demi-sparadrap.
PV : Selon-vous, quelles sont les principales différences entre votre jeunesse et celle d’aujourd’hui ?
Ma génération était plus idéaliste et plus désintéressée. On se foutait bien de faire carrière. On se battait pour nos idées, voilà tout. Nos modèles étaient des aventuriers politiques et des écrivains comme Drieu, Brasillach, Céline, Rebatet, Saint-Loup. Les crevards, eux, militaient (avec une flûte de champagne, pas un balai et un seau de colle) au PS, au CDS ou au RPR. On était sur deux planètes totalement différentes. Dans l’attitude, je me sentais beaucoup plus proche du militant d’extrême-gauche que du jeune connard de droite RPR avec son look François Fillon : mocassins, pull cachemire et pantalon en velours. Il faut voir aussi que le FN était moins « présentable » que maintenant. L’affaire du détail, nos scores à 12 % nationalement (moins de 10 % ici à Toulouse) n’attiraient pas les petits arrivistes, bien plus nombreux aujourd’hui au RN. On avait quelques cas malgré tout mais c’était trois-quatre types sur tout le pays. Si on a tous quitté le FN ensuite, il y a déjà longtemps (pour ma part en 1998, un an avant la crise), c’est parce qu’on ne se retrouvait plus dans l’évolution de ce parti, qui s’est trop dédiabolisé et qui est devenu totalement aseptisé, un parti comme un autre, et accessoirement l’assurance-vie du Système. Ce qui me navrait aussi, c’était la médiocrité de la formation, comme une envie de ne pas gagner. Comme mon ami Krampon (de Réfléchir&Agir), je sentais confusément que Jean-Marie Le Pen se contentait d’une fonction tribunicienne et que rien n’était fait pour aller plus loin. Après, c’est facile de critiquer, et il faut voir le tir de barrage hystérique et permanent qu’il y avait à l’époque. C’était encore pire que maintenant. Il fallait beaucoup de courage pour s’afficher FN à l’époque. Mon roman parle de cela. Pourquoi des gens d’horizons sociaux très divers s’engageaient politiquement au FN (de Jean-Marie Le Pen). J’évoque mon parcours, mon enfance, mon éveil à la décadence du pays, pourquoi j’ai quitté le cocon ouaté de ma « rêveuse bourgeoisie » (et égoïste surtout par rapport aux souffrances du pays et des autres). Il y a aussi une évocation du milieu rock local, de ma vie amoureuse, des copains, des pages aussi où je suis à Moscou ou à Cadaquès. On voyage un peu, ça s’inscrit dans ma vie de l’époque et ça permet de sortir du tout politique.
PV : Votre maison d’édition, Auda Isarn, publie des essais, des ouvrages historiques mais aussi un grand nombre de romans – notamment policiers au travers de la collection Le Lys Noir –, genre réputé difficile à vendre aux militants politiques « de droite ». Est-ce toujours le cas ? Comment se porte le roman engagé ?
Je m’étais aperçu que tous les éditeurs de chez nous ne publiaient que des essais. On ne propose aucune contre-culture, aucune alternative au rouleau compresseur de la production officielle (qui compte parfois de bonnes choses d’ailleurs). Mais plutôt que de trier et prendre ce que nos adversaires publient de meilleur ou de moins pire, pourquoi ne pas proposer notre propre contre-littérature ? Voilà ce que j’essaie de faire modestement, en tant que petit éditeur, depuis quasiment 20 ans. En investissant des champs divers, du roman à la BD, du polar au fantastique. Le Lys Noir marche de mieux en mieux. Je n’y croyais qu’à moitié en le faisant, et je l’ai surtout fait égoïstement parce que j’adore le polar et le roman noir. Mais Francis Bergeron (qui codirige la collection avec moi, et qui a eu l’idée du Hussard – je voulais faire un contre-Poulpe, un peu sur le modèle de SAS, mais c’est Francis qui a imaginé le profil de Julien Ardant) était plus optimiste, et il avait raison. Après, c’est un succès relatif, n’exagérons rien. Mais on a quelques belles surprises à venir en soute !
Commander le livre : ICI
