Paris dans la littérature

Paris dans la littérature

Paris Vox – En partenariat avec la revue littéraire non conforme Livr’arbitres, retrouvez désormais régulièrement sur Paris Vox une sélection d’extraits de textes littéraires évoquant paris et l’Ile de France, leur histoire, leurs habitants, leurs rues et leurs monuments…. Aujourd’hui, Albéric Cahuet.

« Aux soirs d’été, avant le crépuscule, lorsque le dernier soleil rougit les ors du Dôme et que l’église des Invalides prend son plus exact relief, on s’arrête dans une involontaire extase. On subit le charme des lignes qui font un visage et la magie des lueurs que semblent projeter des âmes. Le visage se compose, sous le ciel, dans la silhouette dessinée par Jules Hardouin-Mansard. Les âmes sont intérieures. Des fantômes sont retenus dans les pierres des Invalides, mais, parmi ces ombres, on ne rejoint qu’une ombre et, parmi les tombes, on ne voit qu’un tombeau.

Le tombeau !… On a créé pour lui une lumière. Un bleu, répandu en des fluidités de saphir d’eau, enveloppe la cuve, azure la balustrade de marbre et s’éteint doucement sur le granit rouge qui enveloppe le mort impérial comme d’un manteau de pourpre. Au pied du sarcophage, le symbole des couleurs continue cette chaude harmonie et les mosaïques du patium semblent un semis de violettes jonché de palmes auxquelles se mêleraient des géraniums et des immortelles venues de Sainte-Hélène.

On se recueille dans ce jardin de marbre. Les humilités s’y élèvent comme les vanités s’y réduisent. On y est accablé de grandeur et de silence. Les voix du siècle vivant s’éteignent devant le mutisme du siècle révolu. L’Histoire est là, chargée de frissons et d’images, soumise au génie, amoureuse de l’Invisible qui dort dans le porphyre. »

Albéric Cahuet, Le Manteau de porphyre, Fasquelle Editeurs, 1929.