Clément Méric, Esteban Morillo : qui est la victime ?

Clément Méric, Esteban Morillo : qui est la victime ?

Paris Vox (Tribune) – « Cinq ans après, les meurtriers de Clément Méric en procès » titre le journal Médiapart en évoquant le procès qui a commencé mardi 4 septembre, d’Esteban Morillo, de Samuel Dufour, et d’Alexandre Eyraud.


Un titre qui pourrait d’ailleurs lui-aussi valoir procès, puisque portant atteinte à la présomption d’innocence des prévenus, qui doivent répondre pour les deux premiers de « coups mortels », pour le troisième de « violences en réunion », le qualificatif « meurtriers », sans même un « présumé », les condamnant avant toute décision de justice, celle qui sera rendue par le jury populaire au terme de dix jours de procès.

Le titre cette tribune libre est provocateur. Mais il est justement choisi.

Car si la presse mainstream tente de faire de ce procès celui de skinheads néo-nazis, abreuvés de sang et de haine, ayant tué un gentil petit étudiant antifasciste guérissant d’une leucémie, la réalité est toute autre.

Clément Méric était un militant antifasciste radical. Il fréquentait d’ailleurs, à Brest comme à Paris par la suite, toute la frange la plus radicale de ces antifas. Celle qui n’hésite pas à faire le coup de poing, à attaquer tel ou tel individu identifié comme « fasciste ». Dans la rue, gratuitement, ou bien en manifestation, ou bien y compris au domicile de ceux suspectés de « mal penser » . Il est mort de son militantisme, en faisant le choix de mettre ses poings au bout de ses idées, et en tombant malheureusement pour lui contre des poings plus robustes que les siens.

Il est mort parce qu’il n’a pas pu s’empêcher, avec ses camarades, de vouloir une fois de plus empêcher des individus, en l’occurence « les skinheads » décrits dans la presse mainstream, d’acheter des vêtements dans une vente privée. Oui, ces individus aujourd’hui accusés étaient des militants nationalistes, et pour certains des Skinheads. Et alors ? Il n y a aucune loi qui aujourd’hui condamne le nationalisme, et pas une seule le fait d’être un skinhead, c’est à dire un individu se revendiquant d’un mouvement ouvrier qui naquit à la fin des années 70 en Angleterre, et aujourd’hui il est vrai, un peu dépassé

Dans le camp des accusés aujourd’hui, Esteban Morillo, qui a déjà fait de la prison préventive (un an et demi) alors que présumé innocent. Depuis, des licenciements à la pelle, des pressions, des menaces. Ce 5 juin 2013, lui aussi, a gâché sa vie, alors qu’il n’avait rien demandé à personne.

Il n’avait pas demandé à devoir se défendre, face à une bande « d’antifas », ceux qui attaquent des locaux, les mêmes qu’à Angers, à Lyon, à Paris, à Nantes, à Rennes. Ceux qui participent aux violences contre les forces de l’ordre depuis des années dans les manifestations d’ultra gauche. Il n’avait pas demandé à les rencontrer, ces individus pour qui « il est hors de question de laisser la rue à l’extrême droite ». Traduction : laisser la rue, c’est simplement permettre à des idées qui ne sont pas celles des antifas de s’exprimer. Tout ce qui n’est pas antifa est fasciste, dans leur monde binaire, intolérant, extrémiste.

Les idées de Clément Méric, et sa famille comme ses proches les assument totalement, étaient les mêmes que celles de ceux qui ont provoqué des émeutes à Nantes et à Paris. Il était ami avec M. Bernanos Antonin, qui a été condamné pour la tentative d’incendie de la voiture de police dans laquelle se trouvait une jeune femme ainsi qu’un policier antillais.

Il était de ceux qui, révolutionnaires, se revendiquent de « toutes les luttes » : « antifascistes, antispécistes, anticapitalistes, antiracistes, antihomophobie, …». Il assumait son combat, du haut de son jeune âge, et il a trouvé la mort comme un partisan antifasciste des chansons de groupes de musique antifascistes qu’il chérissait tant. « Contre racisme et intolérance, tu n’as pas peur, de la violence, redskin redskin redskinhead, les barricades n’ont que deux côtés » chantait le groupe phare des antifas parisiens dans les années 2000. Tout ce tragique scénario y était déjà écrit.

Car il fallait bien que cela arrive un jour. Qu’un jeune, dans un camp comme dans l’autre, s’effondre sous les coups d’un opposant, plus fort, mieux formé physiquement. Combien de manifestations nationalistes ou identitaires systématiquement perturbées, menacées, par des manifestations antifascistes ? Systématiquement. Combien de tentatives d’interdictions, d’attaques physiques ? A l’inverse, combien de manifestations antifascistes, anticapitalistes, perturbées par des nationalistes ? Combien d’appels à l’interdiction émanant de groupes identitaires ? Quasiment jamais. Des attaques isolées, oui, des bagarres oui, mais une volonté de faire taire des gens simplement pour leurs idées, jamais.

La conception de la liberté d’expression est différente, dans un camp et dans l’autre. Le camp « antifa » tient pour devise celle de St Just, « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». C’est ce slogan qui raisonnait peut être dans la tête de Clément Méric quand il a décidé d’attendre, plutôt que de les laisser tranquille, les militants nationalistes révolutionnaires venus faire du shopping dans une vente privée parisienne.

Esteban Morillo et ses amis se sont défendus, et n’ont fait que prendre cette liberté, ce droit fondamental que n’ont été capables de faire respecter ni les forces de l’ordre, absentes ce jour là au moment de la rixe, ni les agents de sécurité. Un ou des mauvais coups sont partis, comme cela arrive tous les ans, dans d’innombrables bagarres, dans les stades de foot, dans les fêtes de village, dans la rue. Sauf que cette fois-ci, le mauvais coup a été fatal. C’est ainsi. Mais lorsque l’on « joue » à la « lutte antifasciste radicale » et à « chasser les fascistes des rues », il faut aussi être bon joueur, accepter aussi les règles, c’est à dire éventuellement perdre, et payer le prix de son engagement.

Esteban Morillo et ses jeunes camarades vont passer plusieurs jours à être lynchés par une presse mainstream qui les a déjà scandaleusement, sans prendre les pincettes de rigueur, déclarés coupables. La classe politique les avait bien aidés, Manuel Valls en tête, dès 2013. Coupables d’avance car nationalistes. Coupables d’avance car supposés Skinheads, cette caste (musicale à la base) pour qui il n’existe pas l’indulgence dont peuvent faire preuve certains journalistes lorsqu’il s’agit de « jeunes de cités » qui ont foncé sur un policier qui tentait de les interpeller ou qui ont incendié un centre culturel tout neuf…

Le jury populaire décidera en son âme et conscience du sort à réserver à ces trois jeunes individus, coupables de s’être défendus face à une attaque de haine, qui les visait simplement pour leurs idées, pour ce qu’ils étaient …

Mais dans un pays où l’homme qui ose défendre son fils agressé et racketté se retrouve en garde à vue et poursuivi, il est permis de douter de tout…

Yohann Lapie