La vie de Sainte-Geneviève (2)

La vie de Sainte-Geneviève (2)

Paris Vox – Paris Vox propose à ses lecteurs une série de biographies sur les saints personnages qui ont fait l’histoire et  la gloire de l’Eglise de Paris, l’une des plus anciennes de Gaulle, et qui font encore aujourd’hui le prestige de la Capitale.


2. La vie tumultueuse de Geneviève à Paris

Le moment approchait où Geneviève devait renoncer solennellement et se consacrer à Dieu. Ses parents la présentèrent à l’évêque avec deux autres vierges, pour recevoir de ses mains le voile sacré de la religion. Geneviève avait alors 15 ans ; et l’évêque, après s’être assuré de la servante de Dieu et lui avoir retracé les devoirs auxquels la vie religieuse allait la soumettre, lui donna le voile. Geneviève reconnut toute la grandeur de la grâce que le Seigneur lui faisait en l’admettant au nombre de ses épouses ; elle promit d’en remplir exactement toutes les conditions. Sa vie était dès lors partagée entre la prière et les travaux auxquels son sexe l’invitait. Après Dieu, ses parents étaient tout pour elle : mais hélas ! que cette vie est mêlée d’amertumes ! À peine Geneviève a-t-elle fait quelques pas dans sa carrière mortelle, que ses jours sont menacés d’expirer dans la peine. L’inexorable mort vient lui enlever ce qu’elle avait de plus cher au monde, ses bons parents. Orpheline, sans fortune, sans protecteurs, la jeune vierge allait sécher de douleur, comme une tendre fleur exposée aux chaleurs brulantes du midi et privée de l’ombre hospitalière qui aurait pu la garantir des feux mortifères : mais elle espérait dans le Seigneur, qui se plait à être appelé le soutien de l’orphelin, le consolateur de l’affligé, et cette espérance ne fut pas veine.

Geneviève avait à Paris sa marraine, dame d’une grande vertu. Elle vint la trouver, lui exposa sa pénible situation et en obtint un asile. L’orpheline portait avec elle cet amour de la prière et cet esprit de mortification qui lui avait fait embrasser avec joie la plus grande austérité, depuis qu’elle avait reçu le voile. Sa nourriture consistait en un peu de pain d’orge et en des fèves qu’elle faisait cuire à l’eau. Sa boisson n’était que de l’eau, et elle continua ce genre de vie jusqu’à l’âge de cinquante ans, quand plusieurs évêques lui ordonnèrent de manger du poisson et de prendre un peu de lait.

Si Geneviève nous a déjà paru formidable par sa conduite sage et par les vertus qu’elle pratiqua pendant son séjour à Nanterre dans la maison paternelle, c’est surtout maintenant qu’elle va briller d’un nouvel éclat, vivant au milieu des tumultes du monde et au sein d’une ville opulente. Ce n’est plus l’humble bergère qui se livre, dans le silence et la retraite, aux œuvres de la piété et de la charité chrétiennes ; c’est la courageuse épouse de Jésus-Christ, qui vient donner à toute une cité l’exemple nouveau pour elle d’une vie alliant ensemble la ferveur du cloître, l’austérité de l’anachorète et le travail des mains. Une pureté inviolable du corps et de l’esprit, une charité ardente et bien entendue, une oraison presque continuelle, une foi vive et éclairée, une vie active et une humilité profonde, tels sont les titres que Geneviève offre aux yeux des chrétiens. La ferveur qu’elle déployait dans l’accomplissement de tous ses devoirs lui attirait des consolations intérieures, par lesquelles le Dieu de bonté la dédommagea bien des privations qu’elle eut à essuyer de la part d’un monde méchant et ennemi de tout ce qui le condamne.

Cette humble fille, qui avait renoncé aux joies de la terre, et qui avait eu le courage de fouler aux pieds les vaines jouissances qu’elle présente, devient bientôt un objet de censure pour les ennemis de sa conduite. On décria son genre de vie, on la traita de visionnaire, d’hypocrite ; on attribua à l’amour propre les efforts qu’elle faisait pour plaire au Seigneur, et on alla jusqu’à la plaisanter sur les grâces extraordinaire qu’elle recevait de Dieu. Sans doute, la sainte fille était au-dessus de tout ce que la malice des hommes pouvait inventer contre elle, et on avait beau flétrir une vertu si pure, elle n’en parut pas moins grande aux yeux de ceux qui savent apprécier la véritable piété. Le Seigneur voulait ainsi faire passer Geneviève pour le creuset des humiliations, et la détacher de plus en plus de ce monde, en lui apprenant à ne rien espérer des hommes.

Ce temps de l’épreuve dura jusqu’au second voyage que Saint Germain d’Auxerre fit dans la Grande-Bretagne : alors ce prélat, passant de nouveau à Paris, eut l’occasion d’y revoir Geneviève, qui lui fit part des faveurs qu’elle ne cessait de recevoir de Dieu, ainsi que les persécutions dont elle était l’objet. Il n’était pas difficile d’entrevoir la plus horrible calomnie dans les accusations portées contre la vierge fervente : aussi l’évêque détruisit-il de suite les préventions qui existaient contre elle, et en la justifiant, il releva le mérite de sa sainte vie. Mais le calme qui succéda à cet orage ne fut pas de longue durée, le feu de la persécution ne tarda pas à se rallumer avec une nouvelle violence et voici à quelle occasion.

Théodore-François-Xavier Hunkler