Paris Vox (Tribunes) – Dans cette nouvelle chronique, Jean Ernice s’interroge sur cet étrange paradoxe français : les téléspectateurs plébiscitent les reportages qui dénoncent les abus et les magouilles des multinationales et enseignes de la grande distribution où pourtant ils consomment quotidiennement…
Les dernières émissions d’Elise Lucet ont entraîné des appels au boycott de grandes enseignes. Cela me laisse songeur. Je dois en effet reconnaître que je suis plutôt un opposant à la télévision. Je ne nie pas qu’on peut y voir, parfois, des choses intéressantes. Mais bien souvent, on perd beaucoup de temps, pour tout dire on s’ y abrutit même génralement franchement.
Pour le téléspectateur, la télévision a souvent un effet grossissant. Pour preuve, lors de la diffusion des deux derniers opus de « Cash Investigation », Lidl et Carrefour ont été montrés du doigt. On reproche au premier un management agressif et des méthodes de travail où l’homme n’est plus que matière corvéable. Dans le second cas, il était question des matières premières du rayon textile de la grande surface. Le coton d’une partie des étals serait en effet cultivé et ramassé par des enfants.
La diffusion des émissions a été suivie par de violentes réaction sur le net. Lidl et Carrefour sont subitement devenu cyber boycotté suite à Cash Investigation. Mais, magie de notre époque, le dit boycott s’est essentiellement passé sur internet. À grand coups de mots clés bien sentis, la grande distribution en tremble encore ! Ces cyber-palabres s’enchaînent, mais sans conséquences concrètes. Telle ou telle autre marque est mise à l’index. Mais pour de véritables actions on peut attendre… Les indignations passent, la consommation à moindre prix reste.
“Prends ce hashtag, tu ne t’en relèveras pas”
Des consommateurs découvrent donc que derrière un maillot ou un pull à quelques euros, la chaîne de production est irrespectueuse de l’homme et de l’environnement. Quelle surprise ! À aucun moment le téléspectateur ne fait son introspection, n’admet sa complicité tacite, le fait que sa recherche éperdue du « low cost » engendre forcément ce type d’exploitation.
Une fois passés quelques jours, on est en droit de se demander le résultat de ces farouches appels au « boycott ». En général, la grande marque, aidée par quelques cerveaux du marketing, cisèle un plan de communication afin de désamorcer le mauvais coup. Et du côté du consommateur?
Rares sont les vrais et définitifs bannissements. Le consommateur retourne dans la grande surface en se promettant faussement d’être plus vigilant sur ses achats. Dans le meilleur des cas, le téléspectateur averti change de grande surface. Mais face au « tous pourris », il se sent bien dépourvu.
Alors que faire me direz-vous ?!
Sortir de la matrice consumériste. Consommer moins mais mieux. Ne plus se laisser dicter son mode de consommation par des “génies” du marketing. Réfléchir un peu avant de consommer. Privilégier les circuits courts, l’achat direct aux producteurs, l’artisan… Payer un peu plus, pour un plus de cohérence et d’éthique… Savoir se passer de choses parfaitement inutiles. La liste des recommandations pourrait être longue… En tout cas, ne pas se borner à l’éructation circonstancielle et éphémère devant son écran..
Jean Ernice