Paris Vox – Chaque semaine, en partenariat avec Radio Libertés, nous publions la retranscription écrite de la chronique d’actualité et d’analyse d’Arnaud De Robert. Aujourd’hui, il s’intéresse à la stratégie politique du président de la République.
Savez-vous ce que sont les macrophages ? Eh bien, les macrophages sont des cellules du corps humain appartenant aux globules blancs (les fameux leucocytes), qui infiltrent les tissus et sont capables de phagocytose. Leur rôle est donc de phagocyter les débris cellulaires et les agents pathogènes. En clair, ils détruisent et digèrent tous les corps qu’ils considèrent comme étrangers. Houlà ! Mais qu’est-ce qui lui arrive aujourd’hui, me direz-vous ? Et comme je ne suis pas sensé plagier les rubriques de Michel Cymes, je vous rassure tout de suite, je ne vais pas m’embarquer pas un très soporifique exposé médical. Non, c’est principalement l’analogie entre ces petites merveilles du vivant et la politique française qui m’intéresse ce matin. Je pense d’ailleurs que les plus sagaces d’entre vous auront sûrement compris où je veux en venir. Ce n’était au reste pas trop difficile tant la proximité entre le terme macrophage et le nom du notre cher président est grande.
Car oui, à mes yeux, Emmanuel Macron est depuis le début de son quinquennat dans la stratégie du macrophage. On a beau lui reprocher sa superficialité, son apparente indolence voire son côté Candide version oligarchique, on se trompe et lourdement. Car depuis le départ, depuis même les premiers jours de sa campagne électorale présidentielle, Macron infiltre, copie, phagocyte digère et détruit. Et il le fait si bien, si pleinement, si efficacement que l’on ne voit rien, que l’on n’y trouve rien à redire. Pire même, on en vient à l’applaudir, à s’étonner de lui, de son audace, de sa soit-disant franchise, de son « parler-vrai ». En cela Macron est un vrai virtuose. Il faut dire que la macrophagie ne s’apprend pas dans les idéologies ni au sein des écoles de pensée. Elle trouve par contre sa pleine expression dans les milieux d’affaires, ceux de la banque, de l’entreprise, de la finance. Là, il s’agit de subjuguer l’adversaire, de le sidérer, de vider de sa substance. Là on y apprend à vaincre dans le sang et le velours. Macron y excellait parait-il. Dès lors, quoi de plus normal de le voir depuis des mois surfer sur le vrai-faux populisme d’En Marche ? Quoi de plus normal que de le voir méthodiquement disséquer la droite et désosser la gauche ? Quoi de plus normal que de l’entendre à Ouagadougou prôner à la manière d’un Nasser des grands jours un renouveau de l’Afrique par elle-même selon des intonations que ne pourrait pas renier même un Bernard Lugan ? Quoi de plus normal en effet, et pourtant. Et pourtant, cela étonne, séduit, irrite selon un classicisme parfaitement anachronique.
Personne ou presque ne conçoit que l’action du chef de l’Etat ne procède pas d’une doctrine mais se nourrit de toutes pour les détruire toutes.
Personne ou presque ne conçoit que l’action du chef de l’Etat ne procède pas d’une doctrine mais se nourrit de toutes pour les détruire toutes. La Droite, qui rêvait sûrement d’un président comme lui ne trouve plus rien à lui opposer et lui livre malgré elle ses cadres. La gauche, encore hébétée de lui avoir servi de mulet est incapable de reprendre sur lui l’avantage qu’elle considérait comme inviolable du discours progressiste socio-culturel. Même la droite nationale se trouve dépossédée de sa position de fermeté sur l’immigration et le développement de l’Afrique. Et pendant que tout ce petit monde pleurniche et tente de stopper les hémorragies, Macron phagocyte, patiemment, obstinément. De fait, chaque crise lui offre la possibilité de phagocyter encore et encore. Chaque évènement devient une potentialité pour lui de rogner encore les marges de ses adversaires. Il n’est que de voir comment la baudruche Mélenchon s’est vite dégonflée au contact de la froide détermination du locataire de l’Elysée.
Jupiter, Napoléon, Machiavel … les référentiels superlatifs et bien que très déplacés sont accolés à ce pur prototype oligarchique, souriant et lisse, carnassier et imperturbable. Et à défaut de créer les outils de la contre-offensive organique, on regarde, on constate et on finit parfois par admirer. Effectivement, il est admirable de constater la capacité d’anticipation et d’adaptation du Système qui a su forger en amont des dangers qui le guettent un contre-poison ultra performant, un dissolvant inarrêtable servant parfaitement ses vues en absorbant celles de tous les autres. C’est admirable mais c’est surtout mortel. Parce que ce vampirisme systémique ne sert pas la France ni l’Europe. Il ne sert qu’un objectif : le profit. Bonne semaine.