Faut-il interdire les vélos à Paris ?

Faut-il interdire les vélos à Paris ?

Paris Vox (Tribune) – Bien sûr, à l’heure où ce sont les voitures qui sont en passe d’être prohibées dans la capitale et où Anne Hidaglo s’est lancée dans une farouche croisade pour le développement du « Vélib’ » et des pistes cyclables, cette question peut sembler provocatrice. Voire grotesque. Pourtant tout parisien « lambda », c’est-à-dire qui n’est ni idéologisé ni stipendié d’une association ou d’une structure municipale, qui va au travail chaque jour aux alentours des heures de pointe, peut faire cet indiscutable constat : malgré les efforts et tous les discours, Paris reste une cité totalement hostile au mode de déplacement vélocipédique. Pire, le cycliste est un danger pour lui-même et pour son entourage.


Pour lui-même tout d’abord, et en cela les statistiques sont dramatiques. Il n’y a jamais eu autant de morts en vélo à Paris ! Plus 22% de décès depuis 2010 ! Ainsi 65 cyclistes sont morts au cours des seuls trois mois d’avril, de mai et de juin 2017 !

De nombreuses raisons à ce carnage : l’imprudence des uns ou des autres -qui frise parfois la totale inconscience-,  la difficile cohabitation avec les autres occupants de la chaussée, notamment les transports en commun, l’inexpérience de certains… Ha ça, il est vrai qu’il faut les voir zigzaguer à toute vitesse entre les voitures, un écouteur audio sur les oreilles, plongés dans l’autisme musical de leur monde de bobos indifférents et pressés, totalement coupés de ce qui se passe autour d’eux, n’entendant même pas les coups de klaxons rageurs qu’ils déclenchent ! Et c’est par ce genre de comportement que le cycliste-victime se mue en cycliste-danger, créant les conditions de divers incidents et accidents, parfois tragiques. Avec, bien sûr la plus parfaite bonne conscience. Car le cycliste se sait combattant du camp du Bien, entouré de sales pollueurs et de beaufs à camionnettes, chauffeurs-livreurs et autres plombiers puent-la-sueur et sans doute électeurs du Front National… Le cycliste, lui, construit le monde meilleur de demain à coups de pédales, avec ses petits mollets fermes nourris au Quinoa et aux Sushi Halal.  Il a donc tous les droits, les règles de conduite et de bienséance du commun des mortels ne s’appliquent pas à sa divinité. Il peut griller les feux rouges, prendre les rues en sens unique, rouler sur les trottoirs, couper les priorités… Si vous croisez – et gênez– son chemin, le cycliste vous jette alors des regards furibards et méprisants, que vous soyez automobiliste ou piéton, le piéton étant toujours un automobiliste potentiel… Il vous jauge du haut de son profond mépris. Lui est un homme du progrès, de l’écologie, de la cité magique des joyeux parisiens branchés, vous, vous êtes un arriéré, presque une bête… Il a bien raison de vous rouler sur les pieds, connard d’obscurantiste !

Quand il ne meurt pas écrasé ou quand il ne renverse pas une grand-mère, le cycliste parisien est embaumé de gaz d’échappement, respirant à pleins poumons la pollution honnie, premier bénéficiaire des embouteillages suscités par la politique de circulation de sa prétendue grande protectrice : Anne Hidalgo. Ici, le cyclisme s’apparente à une forme étrange de masochisme citoyen. De toutes ses forces, le cycliste tente de nier cette évidence séculaire : le vélo est un merveilleux moyen de transport pour rouler sur les chemins de traverse de nos belles campagnes, s’enivrant du parfum de la paille coupée et de la terre humide… pas pour se mouvoir dans une agglomération de béton, grouillante et surpeuplée.

Par ailleurs, dès qu’il s’écarte des grands boulevards, le cycliste est immédiatement confronté à un Paris historique qui lui est hostile : rues pavées, passages étroits, escaliers… Et pour peu que notre ami veuille se rendre dans le 18e arrondissement, il lui faudra atteindre au plus vite le niveau d’un Richard Virenque ou d’un Jalabert !

Et on ne parle même pas ici du fait que s’il ne possède pas un triple cadenas en matériaux secrets inviolables ainsi qu’un garage à porte-blindée biométrique, le cycliste devra se racheter une monture à peu près tous les deux mois…

Bref le vélo n’est pas fait pour Paris. Alors, bien sûr, on ne l’interdira pas. Ce n’est pas la « mode », pas la « tendance »… Il n’y a qu’aux prolos de banlieusards qu’on peut interdire des choses aujourd’hui. Mais à défaut d’interdiction, si on pouvait simplement rappeler aux cyclistes les règles élémentaires du code de la route, voire leur imposer une petite formation à la conduite en ville, ainsi que les rudiments du savoir-vivre et de la courtoisie, ce serait sans doute déjà un bienfait pour tous.

Le cycliste est souvent un fervent adepte du « vivre-ensemble ». Il serait bon qu’il s’en souvienne également quand il enfourche son vélo.

Xavier Eman