A la suédoise …

A la suédoise …

Paris Vox a le plaisir de proposer à ses lecteurs une sélection des retranscriptions écrites des chroniques d’Arnaud de Robert, diffusées quotidiennement dans la matinale de Radio Libertés.


Hier, François François Fillon, le candidat de la droite à la présidentielle faut-il le rappeler, a accepté la main tendue de Manuel Valls, avec qui il s’est dit prêt à échanger au nom « du redressement d’une France en crise ». On pourrait en rire, mais il ne faut pas. En l’espace de 24h, Valls rejoint Macron et tend la main à Fillon. Dans un pays normal, la chose aurait provoqué un raz-de-marée médiatique, des avalanches de questions. Mais nous ne sommes pas ou plus depuis longtemps dans un pays normal. Désormais, c’est le règne de la magouille, de l’illusion. Alors comme d’habitude, il ne faut pas en rester là et tenter de comprendre ce qui se trame sous cet appel au compromis, puisque le mot fort de sens a été lâché. J’espère qu’aucun de vous chers auditeurs ne pense que cet appel, sa réponse et les grands élans qui s’en suivent résultent de démarches expérimentales, opportunistes. L’idée qui draine tous ces déploiements stratégiques est celle de garder le contrôle du Système et donc de garder le pouvoir.

L’idée qui draine tous ces déploiements stratégiques est celle de garder le contrôle du Système et donc de garder le pouvoir.

 

En clair, si Fillon gagne la présidentielle, il promet, en quelque sorte, de trouver des compromis avec la gauche du Capital du duo Macron-Valls. Cela devrait être grandement facilité par un programme économique d’un mimétisme flagrant. Si Macron gagne la présidentielle, il promet aussi de tisser des liens avec la droite du Capital. Que tout cela est beau. Les ennemis d’hier matin s’embrassent quelques heures plus tard au nom de l’intérêt national. On se pince quand on se rappelle que ce sont probablement des amis de Macron qui ont sorti au Canard Enchaîné les dossiers Fillon. Mais en politique, l’amour est plus fort que la mort, surtout quand il s’agit de survivre et de durer. Mais que se passe-t-il donc ? Cupidon est passé sur la France mercredi soir ? Je vous rassure, rien de semblable, tout cela est dicté par la nécessité. Car depuis quelques jours, des sondages officiellement officieux émanant du renseignement intérieur promènent des chiffres sensiblement différents de ceux des médias. Des chiffres (Marine Le Pen à 30-32%, Fillon ou Macron dix point derrière) qui donnent des sueurs froides à nos chers oligarques et à leurs patrons chez Goldman-Sachs ou Rothschild. Des chiffres qui engagent aux grandes manœuvres selon  quatre scénarios bien drainés. Premier scénario, Macron gagne. Sans majorité à l’assemblée, il fonde un gouvernement d’union nationale (je pleure tellement c’est beau). Second scénario avec Fillon vainqueur. Là aussi la majorité sera très difficile à obtenir. Alliance donc avec les macroniens (je pleure toujours devant tant de démocratie). Troisième scénario, Marine Le Pen est en tête au premier tour, largement en tête. L’union nationale pourrait se faire à ce moment-là. Quatrième scénario, elle est élue et l’union nationale servira à mettre le Front National en minorité au parlement. Les deux cocus de l’affaire, Mélenchon et Hamon, ont très bien compris la manœuvre puisqu’ils appellent eux aussi à l’union, sans toutefois que l’un ou l’autre ne veuille céder sa place. Voilà donc synthétiquement ce qu’il se passe. On comprend donc mieux les récriminations contre le débat du 20 avril soit trois jours avant le premier tour. Trop dangereux, trop près du vote pour les opposants à Marine. On comprend  également que ce qui se prépare n’est ni plus ni moins qu’un coup d’Etat institutionnel. Légal et possible mais niant parfaitement la souveraineté populaire. Si certains avaient encore besoin s’il en est de preuves que la démocratie n’a jamais existé, là nier l’évidence devient difficile. Impossible me direz-vous, cela ne s’est jamais produit. Alors je vous rappelle un précédent récent qui n’a pas fait la Une des médias français. En janvier 2015, la Suède a connu elle un coup d’Etat institutionnel qui a porté au pouvoir le premier gouvernement non élu de son histoire. En effet, sentant monter très puissamment le parti populiste Sverige Democraterna et voyant approcher les élections, l’ensemble des partis dits de « l’arc démocratique » (j’adore cette expression) ont trouvé un accord pour se partager le pouvoir … sans élection. Celle-ci prévue en 2017 étant renvoyée à 2023 au mieux. Un coup d’Etat tranquille, qui n’a pas suscité d’émotion chez nos professeurs de vertus démocratiques. Cela serait arrivé en Afrique que cela aurait provoqué un tollé. Mais la Suède, voyons c’est forcément pour une bonne cause. Et puis surtout, cette phrase qu’ils aiment répéter : « Hitler a été élu démocratiquement, donc il y a des limites à la démocratie ». Alors oui, sans être totalement le même, les scénarios français vont aboutir à un coup à la suédoise. Parce qu’à un moment, il faut être sérieux. Le pouvoir est trop important pour échoir au peuple, tout de même ! Bon week-end.