Campagne électorale : le champ de ruines …

Campagne électorale : le champ de ruines …

Paris Vox a le plaisir de proposer à ses lecteurs une sélection des retranscriptions écrites des chroniques d’Arnaud de Robert, diffusées quotidiennement dans la matinale de Radio Libertés.


Dire que cette campagne présidentielle se déroule dans des conditions apocalyptiques est un doux euphémisme. Après la séquence spectacle qui a plongé le champ politique dans une définitive sujétion au pouvoir médiatique, après les torrents de boue et d’argent des affaires, nous sommes maintenant en pleine séquence « alliances et trahisons ». Il ne manque plus que la musique de Dallas pour que le tableau soit complet. Qui parle encore des six millions de chômeurs de ce pays ? Des migrants-immigrés qui envahissent nos villes ? Des diktats libéraux de Bruxelles ? De l’effondrement de la puissance publique ? De l’école, de l’hôpital ? Pourtant nombreux sont les commentateurs à parler de recomposition du paysage politique. Je préfère moi et vous le savez maintenant vous qui m’écoutez depuis quelques mois, je préfère en effet parler d’une décomposition de ce même paysage et même plus encore d’un pourrissement institutionnel, idéologique et principiel. Parce qu’une recomposition présupposerait une forme de régénération idéologique qui n’existe pas, nous assistons mi-amusés, mi-écœurés au pourrissement, à l’avilissement, à la dégénérescence, à la déliquescence de la politique comme pratique mais aussi, et c’est bien plus grave, du politique. La plupart des hommes politiques confondent d’ailleurs les deux. La faute à l’ENA sans doute qui ne leur a pas appris à les distinguer. Pour la grande majorité des politiciens, la politique se réduit à une gestion administrative inspirée du management des grandes entreprises. Confusionnisme mortifère que celui de confondre le gouvernement des hommes avec l’administration des choses. Cette vision techniciste teintée de cynisme tue l’alternative, ce qui peut être considéré avec raison comme l’un des buts premiers de la classe oligarchique qui se satisfait amplement d’un abstentionnisme à 40%. Détruire l’alternative détruit donc la politique, parce que comme l’a énoncé Freund, la politique se fonde sur la condition constitutive et déterminante de penser l’ennemi. La politique est intrinsèquement conflictuelle et surtout qu’elle n’est pas un domaine mais une dimension de la vie sociale qui n’a d’ailleurs rien de moral mais tout de civique. Enfin, la politique n’est pas là pour servir l’intérêt général mais le bien commun entendu comme celui de la Nation et du peuple.

Qui parle encore des six millions de chômeurs de ce pays ? Des migrants-immigrés qui envahissent nos villes ? Des diktats libéraux de Bruxelles ? De l’effondrement de la puissance publique ? De l’école, de l’hôpital ?

Le ralliement de de Rugie et de Bayrou à Macron est à ce titre parfaitement antipolitique. Le libéralisme cosmopolite de Macron est fondamentalement négateur de l’essence du politique, lui qui ne connait que les intérêts particuliers et n’assigne à l’Etat que le rôle de garant des droits individuels. Macron incarne fondamentalement la fin du débat idéologique. Son leitmotiv de dépassement et de rassemblement n’a rien à voir avec le fascisme ou le socialisme qui voulaient à leur façon rassembler en gerbes vitalistes les forces populaires. Son « impolitisme » financier très consciemment déployé est l’attaque oligarchique la plus franche, la plus directe et la plus importante de l’histoire européenne contre le politique. En ce sens, même la victoire de Macron n’est que secondaire. Ce qui se joue, c’est le changement total de paradigme, chose qu’ont été incapables de voir les « rassemblistes » benêts comme François Bayrou. Incapables de voir que malgré tous ces défauts, et vous me savez très critique, Marine Le Pen n’est pas le danger, mais probablement la dernière figure en France à faire un peu de politique. C’est pour cela que l’oligarchie la cible elle et dans une moindre mesure Mélenchon. Madame Le Pen, qu’on l’aime ou pas, représente aujourd’hui la dernière formulation, la dernière manifestation d’une pensée alternative, oppositionnelle au Système. Et n’y voyez pas un plaidoyer pour le vote FN, je ne suis pas démocrate. 2017 représente sous ce jour bien plus qu’une présidentielle. Elle est probablement l’une des dernières élections majeures à contenu politique, idéologique, principiel. Une des dernières à capacité polémique et contradictoire. Après ? Après ce sera le grand coma, le chaos tiède communicationnel d’une société post-nationale résiduelle au destin de filiale de la World Company. Contre ce funeste destin, il n’existe qu’une attitude : politique d’abord, partout, toujours, avec fanatisme. Bon week-end !