Paris Vox – Un de nos lecteurs a mis 9 heures pour rallier Rueil Malmaison à Creteil mardi 5 février, récit d’un itinéraire épique.
Vers 17h00, tout semble normal
La circulation semblait encore possible à 17h20 quand je suis parti de mon travail à Rueil Malmaison. La route devenait collante mais les conditions de circulation étaient normales. Mon trajet? Celui que je fais tous les jours depuis des années. Duplex… A86 en passant par Vélizy jusqu’à Créteil, puis routes secondaires jusqu’à mon domicile.
Premier sujet d’étonnement, en sortant du Duplex, les nombreux camions engagés sur l’A86. Pourtant, il s agit majoritairement de plaques françaises de province, les chauffeurs ne peuvent donc pas ignorer les consignes interdisant leur circulation depuis 14h00.
À ce moment là, je pressens que la descente à Clamart va être compliquée. D’autant que sur le plateau de Velizy, les difficultés s’amoncellent: les camions patinent et les voitures allemandes à propulsion dérapent.
Après presque 2 heures de blocage le long de la ZA de Vélizy, l’information critique tombe. N118 fermée ! Et alors que, jusque là, la circulation était seulement très lente, la situation devient catastrophique. Vers 19h30, plus rien ne bouge!
Le plan est alors simple…
Sortir à Vélizy, aller au centre commercial et attendre. De toute façon tous les hôtels sont complets, donc plus le choix… Ce sera marche ou crève ce soir !
Sur “Sytadin” ou “Waze” impossible de comprendre ce qui se passe devant nous, impossible de savoir si je vais passer la nuit dans ma voiture ou ailleurs.
La Ministre des Transports annonce que personne ne dormira en voiture ce soir, visiblement, elle n’est pas à Velizy! J’arrive à m’extraire de l’A86 et découvre un centre commercial Vélizy 2 où des familles et des personnes seules squattent les fauteuils l’air hagard. Je trouve un seul restaurant qui accepte de m’accueillir, le patron va libérer ses employés avant l’heure pour qu’ils rentrent… Par l’A86! J’ai beau lui dire que la situation est critique il reste confiant sur leur capacité à descendre à Anthony pour prendre le RER. Il ne se rend pas compte de la situation mais c’est normal, l’information fournie à la radio ou sur internet n’est pas conforme à la réalité du secteur. Les vigiles du centre font des maraudes et emmènent les égarés vers l’accueil du centre où leur sera servi un chocolat chaud.
Je repars !
À 23:00 au vu des informations glanées sur Sytadin je retente ma chance. En sortant du centre je vois les déneigeuses travailler sur la N118 et m’engouffre sur l’A86. La situation est toujours incompréhensible ! Il me faudra 3 heures pour atteindre la côte du Petit Clamart sur l’autoroute, et je découvre l’étendue du désastre. Des dizaines de voitures sont arrêtées sur le bas côté, plusieurs à l’abandon, certaines encore habitées. Si la plupart des camions sont désormais arrêtés sur la bande d’arrêt d’urgence, certains tentent encore leur chance.
Des pompiers circulent à pied pour prendre des nouvelles des automobilistes, mais rien ne bouge.
La particularité de cette zone à Clamart est qu’elle est en cuvette, et enfin je découvre le problème !
Un camion bloque la voie de droite dans la montée avec une camionnette à ses côtés.
Plus loin, un autre camion est immobilisé sur la voie de gauche, ses pneus patinent, mais il reste immobile. Et sur les 100 mètres de la montée, une quinzaine de voitures sont éparpillées sur les voies. Je slalome entre elles, alors que des gens aident à pousser les voitures pour les faire repartir. Marche ou crève, s’arrêter dans la côte c’est l’assurance de ne pas repartir.
On se croirait dans un épisode de “The Walking Dead” avec toutes ces voitures arrêtées sur la route, et ces gens qui les poussent!
Une fois cette épreuve passée, après 8 heures de bouchons, la délivrance est devant moi.
Arrivé à Antony je découvre que la situation est la même direction Versailles. Camions bloqués, voitures incapables de monter l’A86 et des centaines de gens piégés. L’autoroute a été fermée en amont et des policiers font faire demi tour aux dernières voitures dans le bouchon pour les en extirper. Des centaines de voitures à faire manœuvrer, presque impensable à 2:30 du matin…
Je finis mon trajet sur une autoroute déserte, la délivrance est proche…
Arrivé chez moi, 9 heures exactement après avoir quitté mon travail, le stress aura ruiné le peu qu’il restait de ma nuit.
Avec le recul, quel a été le (les?) problèmes ?
La neige était annoncée et l’A86 n’a visiblement pas été salée et sablée. À mon départ, alors qu’il n’y avait qu’un centimètre de neige fraîche, il était clair que rien n’avait été fait. Les camions n’ont pas été bloqués comme prévu, et tous les chauffeurs qui, pour d’égoïstes motifs, ont décidé de braver l’interdiction ont largement contribué à la pagaille dans le secteur de Vélizy.
Finalement, le manque de communication de la part des autorités a fini d’achever la situation.
M’étant retrouvé “coincé” dans Paris en 2013, je ne me serai jamais embarqué dans cette aventure routière si le risque avait été clairement communiqué.
Aujourd’hui, j’écoute les critiques sur l’action des autorités face à cette crise. Pour avoir été piégé dans cet enfer blanc 9 heures je peux dire que personne n’a raison sur ce qui a conduit à cette catastrophe annoncée.
Certains critiquent la communication, d’autres le sablage, certains les routiers.
Personne n’a raison, car tous ont raison ! C’est l’addition d’incompétences, d’amateurisme et d’absence de clairvoyance qui nous ont entraînés dans ce marasme.